Le nouveau Président de la République avait décidé d’innover, il est vrai qu’on l’avait élu pour ça.

La cérémonie fut simple, la passation de pouvoir se déroula sur le perron de l’Élysée. L’ancien Président avait choisi de conserver son costume, il détonnait un peu, mais faisait bonne figure. Durant la campagne il avait eu pourtant des mots très durs pour son adversaire : « Se présenter sans artifices ne fait pas un programme, nos concitoyens verront la différence ! »

Nous l’avions vu bien sûr, mais à ses dépens, tant la communication de son rival était bien affûtée. Il se présentait à nous sans apparat, sans subterfuge, un homme neuf pour incarner la nouveauté. « La vérité, disait-il fièrement, n’a pas besoin d’être habillée. »

Il est vrai qu’au début nous fûmes choqués, c’était la première fois que l’esprit de changement prenait des allures si dénudées. Certains se moquaient de cette sincérité qu’ils jugeaient trop surfaite, et ils se demandaient ce que cela pouvait bien dissimuler : « Celui qui n’a rien à cacher, n’a aussi rien à montrer ! Le dénuement n’est pas un projet mais son absence ! » Ces formules nous ébranlèrent.

Mais rapidement le futur Président montra qu’il avait de la ressource. Dans un discours fameux qu’il fit à la Chambre, il dévoila son projet : « Nos citoyens veulent du sang neuf, de la nouveauté, mais à quoi la voit-on ? Comment la reconnaître sous les oripeaux, comment savoir ce que l’on cache sous le manteau, comment deviner la sagesse quand on ne voit que l’habit ? Notre pays depuis trop longtemps s’est habitué aux simulacres, aux projets paravents, aux programmes enrobés. Je ne suis pas de ce bois, je me présente à vous en homme, j’incarne la vérité dans ce qu’elle a de plus nue, j’oserais dire de plus épurée. Non, messieurs les députés, contrairement à d’autres, je ne dissimule pas ! Mon corps est au service de notre grande nation ! Si je suis élu, je vous en fais le serment, je représenterai notre pays dans toutes les assemblées, je serais votre héraut dans toutes les instances, et l’on verra bien que notre voix porte au-delà des faux semblants ! »

Cela fait presque un an qu’il a été élu, et il est vrai que la France est à présent entendue, écoutée, peut-être même observée voire scrutée. Dès qu’il apparaît à l’étranger, notre Président déclenche l’intérêt, suscite d’élogieux commentaires sur son port altier. Lui, dit simplement que nous montrons à nouveau la voie, dans la simplicité.

Certains n’ont pas manqué de nous copier, surtout dans les pays scandinaves. Il semble qu’un nouveau candidat fasse campagne là-bas, plagiant les slogans de notre Président, les détournant, affirmant par exemple qu’il faut aller plus loin, et « ne plus dissimuler quoi que ce soit ».

À mon avis il n’a aucune chance, et son absence de culotte ne rajoute rien à l’idée.