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[Chroniques minuscules] II

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Des mondes d’antan

Christophe de Beauvais

Chroniques
Source gallica.bnf.fr / BnF
La chute

La question n’est pas de chuter, mais de savoir vers quoi l’on chute.

C’est en prenant son élan qu’il sentit quelque chose. Une sorte d’attraction. Une attraction étrange, comme inversée. Un désir aussi de changer le cours des choses.

Sa vie n’était pas l’eau, mais l’espace. Une certaine idée du trajet, une certaine envie de liberté, et tout ça en tombant, en plongeant, en s’exposant au vide. « Un champion du saut » : les spectateurs ne voyaient que ça. Et lui avait en tête tout autre chose.

C’est en quittant le perchoir qu’il réalisa. Cette chute n’était pas conforme, elle faisait fi des lois. Et dieu sait qu’il aimait la gravité, dieu sait qu’il aimait se sentir protégé par ce qui nous en impose.

Mais voilà.

C’est en croyant descendre qu’il se mit à s’élever. Il était prêt, il n’aurait presque rien à faire. Il sentit l’espace, un désir d’explorer, une invite à venir, à se rapprocher. Dieu peut-être était là, ou peut-être pas.

Et sous lui, l’immensité.

C’est en croyant se perdre qu’il tomba. Une chute vers le ciel, une chute vers les nuages, une chute grandiose ou ridicule, mais une chute quand même. Une aspiration du bas.

Et je restais là, à le regarder. Comme tant d’autres, je fis « oh ! » en le voyant disparaître. Comme tant d’autres, je ne compris pas.

Ce plongeur momentané qui chuta vers les étoiles.

Christophe de Beauvais, Chroniques minuscules II, des mondes d’antan. La chute
[Rabat, 2017]

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