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[Chroniques minuscules] II

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Des mondes d’antan

Christophe de Beauvais

Chroniques Source gallica.bnf.fr / BnF
Ressemblance

La ressemblance est frappante mais la question de son origine est autrement plus complexe.

Mon premier mouvement fut ambivalent. Je n’étais pas elle, elle n’était pas moi, et pourtant, malgré la robe et malgré les poils, il y avait bien quelque chose qui nous unissait. Un je-ne-sais-quoi dans le regard, dans la pose, dans l’inclinaison des âmes. Mais un je-ne-sais-quoi qui résistait à la désignation.

Quoi de moins mystérieux que la ressemblance de deux arbres, de deux pierres, de deux visages ? À chaque fois l’on peut désigner, montrer du doigt la proximité, on est comme rassuré par ce qui est atteint. L’identité peut être saisie par les mains.

Mais entre nous ce geste disparaissait. Que faire d’une impression commune, que faire d’une proximité que l’on ne peut montrer ? Comment réussir à faire exister ce qui est là sans vraiment apparaître ?

Un amour commun se déclare, un sentiment partagé peut être échangé, à chaque fois nous parlons pour montrer ce qui ne se désigne pas. Mais entre elle et moi, rien de tout cela, notre échange restait muet et donc peut-être imaginé.

Aurais-je été abusée ? La photo me mettait dans un entre-deux presque désagréable, coincée entre une intime conviction et une absence de preuve.

Je ne sais quand la brume s’est dissipée, peut-être quand elle a miaulé, peut-être à mon ronronnement.

Je ne suis pas elle, et elle n’est pas moi, nos différences sont manifestes. Mais entre nous un lien s’est créé, peut-être invisible aux yeux de ceux qui cherchent à le montrer.

Parfois l’insaisissable s’impose, il pulvérise alors toutes les désignations.

Christophe de Beauvais, Chroniques minuscules II, des mondes d’antan. Ressemblance
[Rabat, 2017]

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