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Des mondes d’antan

Christophe de Beauvais

Chroniques Source gallica.bnf.fr / BnF
Le sport d’antan

Ce genre de compétition a totalement disparu, on peut vraiment se demander pourquoi.

Le but, comme on le voit, n’est pas de soulever des masses de plus en plus pesantes, mais au contraire de faire le tout à l’envers, et de diminuer peu à peu les poids.

Le vainqueur est celui qui réussit à soulever l’haltère la plus légère.

On saisit tout de suite l’ingéniosité de la formule. Le chétif, le malingre, le faible des articulations a toutes les chances de réussir son coup. Il est bien inutile de faire le beau, comme mon cousin germain dans l’image ci-dessus.

Cette réhabilitation des obscurs est bien la marque de l’époque. Ce sport, en large partie disparu, permet à tous de participer, suivant l’adage de mon confrère Coubertin. Il ne s’agit plus – on le comprend – de cette forme de sélection naturelle, en vogue chez nos voisins d’outre-manche, mais d’une compétition bien française, qui place l’égalité au cœur de la cité.

On n’a jamais su faire mieux.

Mais qui se souvient aujourd’hui de ces champions d’antan, de ce Jean-Marie Leptis (champion de France, 1907), de ce Jacques Lejeune (champion du Cher et de l’Indre, 1908), et surtout de ce Armand Vaincu (champion de France, 1909, 1910 et 1911, excusez du peu !) qui enchantèrent notre enfance ?

L’époque est à la performance, au dépassement de soi, et à toutes ces fredaines qui entrent dans les maisons.

Mais qui se rappelle les autres ? Ceux qui ne hantent pas nos mémoires et qui sont pourtant comme des phares illuminant le ciel de leur parfaite normalité ?

J’ai l’espoir que l’on puisse un jour retrouver ces compétitions d’antan, que nos champions faiblards puissent faire le tour des stades, que des conquérants chétifs enflamment le cœur des foules, que l’on réhabilite enfin les fortes vertus de l’absence d’exploit !

Christophe de Beauvais, Chroniques minuscules, des mondes d’antan. Le sport d’antan
[Rabat, 2016]

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