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2cm5

préambule

preámbulo

À l’origine un simple déplacement au creux de l’ordinaire, le projet d’une déambulation rêveuse propice à la chasse aux images du quotidien observé à environ 2cm5 ; le désir d’une mise en mouvement du regard, pouvant débuter juste ici, n’importe où, au premier croisement du monde. Les images vont-elles paisiblement se fixer dans le filet à papillons pour y composer en continu le modeste échantillon d’une réalité rapprochée ? Non, cela ne se passe pas ainsi. Très vite, par l’effet d’étrangeté soudaine d’une texture agrandie, d’un reflet joueur ou d’une transparence insoupçonnée surviennent des interruptions, des surprises qui font sonner exclamations et émerveillements. Le connu se métamorphose en inconnu, l’inconnu se déguise en connu. Ces apparitions et disparitions, ces rencontres-chocs qui laissent la part belle à l’aléatoire semblent alors devoir être consignées. Comment transcrire ce ballet d’apparences ? L’observateur va chercher à consolider d’un trait ces minuscules réalités mouvantes, il veut devenir le greffier de ces non-événements ailés qui virevoltent selon leurs logiques propres. Or de profondes transformations intérieures ici l’attendent. Peu à peu son état de conscience s’altère, son acuité et sa capacité d’accueil augmentent, son pouls s’accélère. La réalité qu’il scrute l’observe en retour – sans doute même l’apostrophe. Et la nuée d’images proches qu’il pensait juste rassembler se transforme en autant de questions le traversant.

Al inicio, un simple desplazamiento en el vacío de lo ordinario, el proyecto de un deambular de ensueño, propicio para la caza de imágenes de la vida cotidiana, observadas a aproximadamente 2 cm 5; el deseo de una puesta en movimiento de la mirada puede comenzar aquí mismo, no importa dónde, en la primera encrucijada del mundo. ¿Las imágenes se fijarán pacíficamente en la red para mariposas para componer continuamente una modesta muestra de la realidad cercana? No, no ocurre así. Muy rápidamente, por el efecto de la extrañeza súbita de una textura ampliada, de un reflejo lúdico o de una transparencia insospechada, surgen interrupciones, sorpresas que producen exclamaciones y admiración. Lo conocido se metamorfosea en desconocido; lo desconocido, se disfraza de conocido. Estas apariciones y desapariciones, estos encontronazos que dejan la parte principal al azar, parecerían entonces estar consignados. ¿Cómo transcribir este ballet de apariencias? El observador buscará consolidar de un solo golpe estas minúsculas realidades en movimiento; quiere convertirse en el funcionario que da fe de estos no-eventos, alas que revolotean de acuerdo con su propia lógica. Sin embargo, profundas transformaciones internas están aquí a la espera. Poco a poco, su estado de conciencia se altera, su agudeza y su capacidad de recepción aumentan, su pulso se acelera. La realidad de quien examina, lo observa a su vez –sin duda, incluso lo interpela. Y el enjambre de imágenes cercanas que se pensaban juntar, se transforman tanto como las preguntas lo atraviesan.

d'abord un geste

al inicio, un gesto

Se pencher, faire ce geste simple de se rapprocher. De très près côtoyer la réalité là-devant, à environ deux centimètres cinq. Raccourcir son souffle pour s’aventurer corps âme cœur, amorcer l’angle aigu d’une tendresse, le vertige d’une descente. Chercher la caresse du monde, le presque contact. Traquer l’intervalle, l’irréductible interstice. Tenter ne serait-ce que d’entrevoir l’ultime singularité dissimulée derrière l’apparence banale. Commencer le voyage, embarquer dans le vaisseau mental, traverser l’espace pour se laisser capturer par ce trou noir : notre quotidien en échelle petite, minéral, végétal, animal, corporel. Dépasser l’horizon de nos évènements ordinaires. Découvrir cet autre univers aux règles inconnues, pourtant le même quand même. Se laisser saisir par la proximité haletante.

Inclinarse, hacer ese gesto simple de acercarse. Rozar la realidad que hay enfrente, tan cerca, a unos dos centímetros y medio. Buscar la caricia del mundo, casi tocar. Rastrear el intervalo, el intersticio irreductible. Intentar vislumbrar la máxima singularidad disimulada detrás de la apariencia banal. Comenzar el viaje, embarcarse en el barco mental, cruzar el espacio para dejarse capturar por este agujero negro: nuestra vida cotidiana en pequeña escala; mineral, vegetal, animal, corporal. Rebasar el horizonte de nuestros eventos ordinarios. Descubrir este otro universo de reglas desconocidas, sin embargo, las mismas. Dejarse atrapar por la proximidad jadeante.

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Tous ces « Presque » d’avant naissance

“A punto” de nacer, todos esos

Mondes flottants

mundos flotantes

Entre ici et là-bas

Entre aquí y allá

Qui nous regardent avec leurs milliers d’yeux

Que nos miran con sus miles de ojos

Nous accompagnent au fil de migrations farouches

Nos acompañan al filo de las tímidas migraciones sin borde

(Vers quel estuaire fou ?)

(¿Hacia qué estuario loco?)

Ils nous bordent d’ourlets de lumière pensive

Nos rodean de costuras de pensativa luz

Ils glissent à travers nous

Se deslizan atravesándonos

Cheminant vers la transfiguration

Transitan hacia la transfiguración

L’étoilement des aubes

Los amaneceres estrellados

Voyage

Viaje

Loin (Tout dit loin)

Lejos (todo dice lejos)

Il s’agit d’un voyage aux éclats

Se trata de un viaje a las esquirlas

Sans route ni tracé

Sin ruta ni trazado

Entre ici et là-bas

Entre aquí y allá

Et toi tu tends la main

Y tú, extiendes la mano

Et toi le cœur battant

Y tú, el corazón latiendo

Tu rampes sur le sol pour te rapprocher

Te arrastras por el suelo para acercarte

Jusqu’où te rapproches-tu

¿Hasta qué punto te acercas

Penchant de plus en plus

Inclinándote cada vez más?

Vers la lisière trouble de ce qui s’agrandit ?

¿Hacia el trastornado borde de eso que está creciendo?

Témoin sidéré

Testigo estupefacto

Ébloui comme happé

Tan deslumbrado como atrapado

Par l’appel des profondeurs

Por el llamado de las profundidades

Ces roses

Estas rosas

Ces roses

Estas rosas

Ces roses

Estas rosas

Quelle langue nous parlent-elles

¿En qué idioma nos hablan

Du dedans de leurs rêves ?

desde sus sueños?

Maintenant tu entends cela

Ahora escuchas

Qui de la splendeur se détache

Quien se desprende del esplendor

Tu étreins la liberté du ciel

Abrazas la libertad del cielo

Atlantide sans voix

Atlántida sin voz

Roulant sur nos paupières

Rodando sobre nuestros párpados

Quel paysage d’âme êtes-vous venues éclairer

¿Qué paisaje del alma han venido a iluminar?

Jusqu’à l’indicible porte

Hasta la inefable puerta

Qui garde les abîmes

Quién vigila los abismos

Quel rendez-vous de velours fauve ?

Cual cita de terciopelo leonado

regards croisés

miradas cruzadas

Interrogé depuis ce périmètre d’observation rapprochée, le Réel énonce une double proposition, constitutive d’une bipolarité indécidable. Il s’offre à la fois comme composition singulière de formes, matières et textures colorées, et comme effet d’une combinatoire improbable de signes que l’on imagine désireux de former sens, délivrer un message, raconter peut-être une histoire. À cette croisée des regards s’élaborent deux postures. L’une, plutôt plastique, joue, s’installe dans l’expérimentation, essaie des formules, dresse l’inventaire pour pouvoir déduire que « c’est ainsi ». L’autre, plutôt sémantique, cherche à saisir ce qui est dit, ce que les choses regardées répondent. L’une et l’autre approches, charriant leurs contrastes, pourtant se rejoignent, comme deux rivières mêlant leurs eaux aux confins d’une plaine éclaboussée de lumière, dans un même étonnement, devant l’émergence d’une évidence inassignable.

Cuestionado desde este perímetro de observación cercana, el Real enuncia una doble proposición, constitutiva de una bipolaridad indecidible. Se ofrece, a la vez, como una composición singular de formas, materiales y texturas coloridas; y como el efecto de una improbable combinatoria de signos que uno imagina deseosos de sentido, de entregar un mensaje, tal vez, de contar una historia. En este cruce de miradas, se crean dos posturas. Una, más bien plástica, juega, se asienta en la experimentación, prueba fórmulas, elabora un inventario para poder deducir que “es así”. La otra, más bien semántica, busca atrapar lo que se dice, eso que las cosas miradas responden. Una y otra se acercan, llevando sus contrastes, sin embargo, se encuentran, como dos ríos que mezclan sus aguas en la frontera de una llanura salpicada de luz, bajo un mismo asombro, ante el surgimiento de una evidencia no adjudicable.

La rencontre n’est pas figurable

El encuentro es inimaginable

Elle a lieu dans l’invisible

Tiene lugar en lo invisible

On la devine seulement à cette allégresse de deux corps

Solo lo adivinamos en esta alegría a dos cuerpos

S’échangeant leur poids

Se intercambian los pesos

À ces zébrures qui sont la marque des blessures

Este rayado de cebra son las marcas de las heridas

À ce double battement qui cogne au cœur du bois

En este doble golpeteo que pulsa en el corazón de la madera

Turbulence orageuse des peaux

Tempestuosa turbulencia de las pieles

Deux silences se touchent

Dos silencios se tocan

Font alliance de lignes

Hacen alianza de líneas

S’inventent le secret d’un nuage

Se inventan el secreto de una nube

Pour cacher leurs dialogues d’éclairs

Para ocultar sus diálogos de relámpagos

Quel acte se joue là

¿Qué acto se juega allí

Sur l’étendue locale ?

en el ámbito limitado?

Simple assemblage de feuillages cramoisis

El sencillo ensamblaje del follaje carmesí

Intemporel

Intemporal

Dévoilant la chronique véritable

Desvelando la crónica verdadera

D’une tête cruciforme devenue naine noire ?

¿De una cabeza cruciforme devenida una enana negra?

C’est une composition en silence formel

Es una composición en silencio formal

Reflet, drapé anthracite, magma rehaussé de nacre

Destello, drapeado de antracita, magma enriquecido con nácar

Évidence désinvolte de ce qui est

Desenfada evidencia de lo que es

Ou bien non !

O no

C’est une scène bavarde

Es una escena parlanchina

Impatiente de dire

Impaciente por decir

Les souverains à terre comme au jeu de quilles

Los soberanos en tierra como un juego de bolos

La vie aquatique de poissons jaunes

La vida acuática de peces amarillos

Qui sommeillaient si proches

Que dormían tan cerca

Arches de formes s’entrecroisant

Arcos de formas entrecruzadas

Tunnels abandonnés grignotés par la flore

Túneles abandonados picoteados por la flora

Vous paradez mais ce n’est pas d’orgueil

Desfilan, pero no es orgullo

Vous divaguez par jeu

Divagan por diversión

Tresses en formation de pics et de nuances

Trenzas en formación de picos y matices

Dans le bourdonnement des ruches invisibles

En el zumbido de colmenas invisibles

Ainsi vous venez à découvert

Así que vienen a descubrir

Paumes tendues, traits déliés

Palmas tendidas, rasgos desatados

Pour nous surprendre

Para sorprendernos

Pour nous suspendre à vos explosions intimes

Para suspendernos en sus íntimas explosiones

Ainsi vous nous embarquez

Entonces nos embarcan

Dans le flux des heures indivisibles

En el flujo de las horas indivisibles

De là-bas

Desde allá

Des embruns perdus de la nuit

Salpicaduras perdidas de la noche

Survolant les figures allongées de l’absence

Sobrevolando las figuras alargadas de la ausencia

Quelqu’un s’avance

Alguien se adelanta

De très loin

Desde muy lejos

Homme de brusque incandescence

Hombre de brusca incandescencia

Dans le creux de ses mains danse l’oiseau de feu

En la palma de sus manos baila el pájaro de fuego

Quelqu’un du rouge au noir

Alguien del rojo al negro

Épèle enfin l’accord

Finalmente deletrea el acuerdo

Ouvre dans l’intervalle

Abre en el intervalo

Le tumulte d’un fleuve

El tumulto de un río

Quelqu’un soudain

Alguien de repente

Aventurant le murmure ébloui d’un corps

Aventurando el susurro deslumbrante de un cuerpo

surgissements

aparición

Le monde du 2cm5 est animé, inépuisablement habité, volontiers révélateur de jeux et surprises. Les ressemblances y sont souvent trompeuses et les analogies suspectes (aucune montagne, juste un bord de lichen). Comme autant de battements d’ailes, les cheminements de l’œil sont multipliés. Le scintillement et la brillance du grain fabriquent ici la signature du fragment. Ailleurs, l’altération graphique prend le dessus, le détail d’ordinaire invisible émerge sans invitation : traces d’usage et de vécu, reliefs, fissurations, effractions, phénomènes de propagation. Le terne s’envole, on glisse sa main dans la source qu’il dissimulait. Un petit sanglier noir est vu d’en haut, des éléphants blancs vivent à même le sol. Les volets s’ouvrent, toutes les portes de terrier. Et, derrière eux, l'incertaine poursuite est déjà devenue nécessité bruyante.

El mundo de 2cm5 está animado, inagotablemente habitado, lleno de juegos y sorpresas. Las similitudes son a menudo engañosas y las analogías sospechosas (no hay montañas, solo un borde de liquen). Como alas batientes, los senderos del ojo se multiplican. La firma del fragmento se produce aquí por el parpadeo y el brillo del grano. En otros lugares, la alteración gráfica se hace cargo, los detalles generalmente invisibles emergen sin invitación: rastros de uso y vivencia, relieves, fisuras, irrupción, fenómenos de propagación. La opacidad se desvanece, uno desliza la mano en la fuente disimulada. Un pequeño jabalí negro se ve desde arriba, los elefantes blancos viven a ras del suelo. Los postigos se abren, todas las puertas de la madriguera. Y, detrás de ellos, la búsqueda incierta ya se ha convertido en una necesidad ruidosa.

Scruter l’averse des soleils lointains

Escudriñar el aguacero de soles lejanos

Car leurs cœurs bariolés

Porque sus corazones abigarrados

Leurs bras dépareillés

Sus brazos disparejos

De là-bas nous font signe

Desde allá nos saludan

Sentinelles ! Sentinelles !

Centinelas! Centinelas!

Verticales qui séparent

Verticales que separan

Diagonales qui fuient

Diagonales que escapan

Horizontales qui s’enfoncent en rêverie

Horizontales que se clavan en las fantasías

Déserts peuplés de fulgurances

Desiertos poblados por esplendores

Étrangetés des scintillements

Rareza de centelleos

Vagues

Olas

Frontières

Fronteras

Lignes levées

Líneas levantadas

Alerte au Guetteur !

¡Alerta al vigilante!

Mondes plissés

Mundos plegados

Émission de présences

Emisión de presencias

Aux feux couchés

En las ascuas del fuego

Aux sommeils lourds

El sueño pesado

Tous ces voyages dont nous rêvions

Todos esos viajes con los que soñamos

Accourant enfin dans une clameur sourde

Apresurándose en un clamor sordo

Visages soufflant sur nous leurs braises

Caras que nos soplan sus brazas

Fracturations

Fracturas

Déchirures

Desgarro

Par où l’on voit d’un bord à l’autre

Por donde vemos de un borde al otro

Le pont tendu entre les choses

El puente tendido entre las cosas

Tant de braises

Tantas brazas

Qu’ils laissent parfois s’échapper

Que a veces se dejan escapar

De leurs lèvres entrouvertes

De sus labios entreabiertos

Se pencher

Inclinarse

Cueillir

Cosechar

La pierre – trésor qui dort ensevelie

La piedra–tesoro que duerme enterrada

Le joyau du monde brûlant dans le regard

La joya del mundo ardiendo en la mirada

Abyssale marée

Marea abisal

Qui se fraye vers nous

Que se abre a nosotros

un passage éperdu

un pasaje desesperado

Inonde l’ordinaire

Inunda lo ordinario

le submerge

lo sumerge

Et du flux ne laisse surnager que

Y su flujo no deja sino flotar

Des yeux

Los ojos

Des commencements

Los comienzos

Galaxies en formation

Galaxias en formación

Clignotant

Intermitencia

Scintillant de loin

Centelleo lejano

Astres dérivant

Astros a la deriva

Hagards

Aturdimiento

Fissurés

Agrietado

Qui nous boivent

Que nos beben

dans une indescriptible stupeur

en un estupor indescriptible

Ces yeux troublés

Estos ojos enturbiados

Qui ne semblent pas tout à fait

Que no parecen totalmente

nous connaître

conocernos

Voudraient-ils en s’approchant

Les gustaría acercarse

nous initier à quelque rite

¿Iniciarnos en algún rito

que nous aurions occulté ?

que habríamos escondido?

Ces yeux de lune errante

Estos ojos de luna errante

Avec cette manière qu’ils ont

Tienen cierto modo

De se prolonger en nous

De prolongarse en nosotros

par échos turbulents

por ecos turbulentos

Ils nous enjambent avec insolence

Pasan sobre nosotros con insolencia

Dispersant dans nos veines

Dispersándose en nuestras venas

Les sucs de leurs soleils renversés

Los jugos de sus soles invertidos

Ils s’adressent à nous

Se dirigen a nosotros

Avec cet hymne de tempête

Con este himno de tormenta

Qui nous oblige à nous réveiller

Que nos obliga a despertar

Chassant de notre main

Cazando de nuestra mano

La buée

El vaho

La peau morte des vitres

La piel muerta de los cristales

l'exaltation matérielle

la exaltación material

À cette distance, dans ce geste ainsi de se pencher, les choses s’offrent à nous autrement, libres de toute assignation à signifier ou à servir. Leur fragmentation fait luire soudain la matérialité irrégulière d’une peau, d’une granularité rugueuse ou d’un duvet fragile, chatoyer un feu de couleurs dans leur tumulte rapproché, leur chaos ou leur fixité, leur suspens rêveur. Dans ce laboratoire de la réalité, tout le corps interroge et le regard, devenu tactile, se fait caresse. Il entre dans la connaissance de la main, l’élaboration d’une grammaire de sensations presque infinie : du rêche au suave, du nervuré au lisse, rugueux, strié, déchiré, du cassant au pulpeux, moussu ou sableux... Il s’aiguise pour percevoir le moindre soulèvement d’une écorce, l’affleurement discret d’une trame, la blessure inaperçue d’un trou dans la pierre, le velours d’un pétale, le vertige d’un reflet, la tendresse d’un rose, le cri vivant d’un vert. Il se laisse saisir par cette lumière sourde qui n’en finit pas d’augmenter.

A esta distancia, con el gesto de inclinarse, las cosas se nos ofrecen de otra manera, libres de cualquier asignación significante o utilitaria. Su fragmentación hace resplandecer de repente la materialidad irregular de una piel, una granulosidad rugosa o una pelusa frágil, tornasolan con un fuego de colores en su tumultuosa cercanía, en su caos o su fijeza, en su suspenso soñador. En este laboratorio de la realidad, todo el cuerpo cuestiona y la mirada, devenida táctil, se convierte en caricia. Entra en el conocimiento de la mano, la elaboración de una gramática de sensaciones casi infinitas: de áspero a suave, de nervado a liso, rugoso, estriado, desgarrado, de quebradizo a pulposo, musgoso o arenoso... la mirada se agudiza para percibir el menor levantamiento de una corteza, el afloramiento discreto de una trama, la herida inadvertida de un agujero en la piedra, el terciopelo de un pétalo, el vértigo de un reflejo, la ternura de una rosa, el grito viviente de un verde. Se deja atrapar por esta luz apagada que nunca deja de aumentar.

Épousant la courbure d’une empreinte

Siguiendo la sinuosidad de una huella

Dans ta paume, un œil s’est ouvert

En tu palma, un ojo se ha abierto

Retrouvant les vestiges rugueux d’un passage

Encontrando los vestigios rugosos de un pasaje

Froissant l’oubli

Arrugando el olvido

À distance ta main déchiffre les surfaces

En la distancia tu mano descifra las superficies

Le bruit rêche des peaux qui se soulèvent

El sonido rasposo de las pieles que se levantan

Leur insinuation de dentelles

Su insinuación de encajes

Le son âpre d’un bois cassé

El sonido áspero de una madera rota

La ballade nuageuse d’un reflet

La balada nublada de un reflejo

La fugue d’un velours

La fuga de un terciopelo

Les accents nocturnes d’une pluie sédentaire

Los acentos nocturnos de una lluvia sedentaria

Ou le choc d’une chute

O el choque de una caída

Elle rêve l’histoire/p>

Ella sueña la historia

Réinvente ici la morsure d’un accroc

Reinventa aquí el mordisco de un desgarrón

Réanime ailleurs

Resucita lejos de aquí

Un peuplement d’ombres obscures

Un poblado de sombras oscuras

Dont les lèvres s’avancent

Cuyos labios se adelantan

Pour boire un fond de jour

Para beber el fondo del día

Tremble à l’entrée d’une caverne sourde

Tembloroso a la entrada de una caverna sorda

Où veillent la tête en bas

Donde velan con la cabeza baja

Des figures sibyllines

Figuras sibilinas

Leur corps noir jaillissant

De su cuerpo negro manan

Des secrets de la mort

Los secretos de la muerte

Rien ne se froisse

Nada se arruga

Rien ne se déchire des rideaux de l’épaisseur

Nada rasga las cortinas del espesor

Étourdie par un invisible courant

Distraída por una corriente invisible

La main-œil s’avance

La mano-ojo se adelanta

Franchit les portes

Cruza las puertas

Sur son passage s’ouvrent les profondeurs

A su paso se abren las profundidades

Un miroitement diapré

Un resplandor tornasolado

Intermittent

Intermitente

Se réveille aux visages des choses

Se despierta en el rostro de las cosas

Glissant, dansant, frôlant

Resbalando, bailando, rozando

Son rayon se répand en zigzag

Su radio se extiende en zigzag

Aimanté par quelque orage

Imantado por alguna tormenta

Gorges cramoisies

Gargantas enrojecidas

Têtes suppliantes

Cabezas suplicantes

Pattes d’échassiers titubants

Patas titubeantes de aves zancudas

Qui surgissez dans un aveu d’écume

Que surgen en una confesión de espuma

Qui vous levez

Que levantan

À la croisée de notre attente

En la encrucijada de nuestras expectativas

À cette effervescente lisière

En este lindero efervescente

Où il n’importe plus de savoir qui est l’écho de l’autre

Donde ya no importa saber quién es el eco de quien.

Vers quel rivage noir

¿Hacia qué orilla negra

nous emportez-vous ?

nos transportan?

Regarde encore

Mira otra vez

Sous tes paupières les mots se taisent

Debajo de tus párpados las palabras se callan

Robes de cendre sur tes lèvres

Vestidos de ceniza en tus labios

Regarde dans la nuit

Mirada en la noche

À pleine houle ils assemblent

En pleno oleaje juntan

leurs fragments de paille et de verre

sus fragmentos de paja y vidrio

Emmêlent leurs cheveux d’asphalte et de lune

Enmarañados cabellos de asfalto y luna

Rejoignent leurs nervures d’encre d’acier de sève

Reuniendo sus nervaduras de savia de tinta de acero

Ouvrent leurs draperies de soie cassée

Abren sus cortinas de seda rota

Écoute encore

Escucha de nuevo

À travers leurs voix d’insomnie

A través de sus voces de insomnio

Écoute au moindre de tes pas

Escucha el menor de tus pasos

Le halètement confus d’une présence

El jadeo confuso de una presencia

Qui dit

Que dice

La blessure d’un passage

La herida de un pasaje

La fuite d’un ibis étonné dans les sables

La fuga de un ibis sorprendido en las arenas

Son lointain hiéroglyphe

Su jeroglifico lejano

l'énigme

el enigma

De cet infime déplacement surgit le théâtre obscur d'une déconstruction : la forme s’estompe ; l’identité disparait en même temps que le cadre constituant. Le pays qui se présente alors est sans bord, all-over. On est au large, en haute mer. Les repères n’existent plus, les balises sont crucialement absentes. Se positionner ainsi, tout au bord du monde, est une invitation à changer le regard et l’expérience du corps. C’est un chemin vers la réalité qui ramène à l’origine, un chemin vers une dramaturgie sourde, un retour à l’indéterminé, un flottement suspendu dans la liberté du rêve. Le monde apparaît à un vertigineux croisement de nœuds, de trous, de lignes. Étrange dépaysement : ça ne ressemble pas. Quand la surface est le seul indice d’une présence, quand ne reste que la couleur libérée du contour, la peinture abstraite n’est pas loin. Il y a changement de texture, rembrunissement, il y a émergence de figures nocturnes. On est alors immobilisé, interdit dans le face-à-face avec l’Énigme. Et la posture devient pure interrogation : « Qu’est-ce que c’est ? ».

Con este ínfimo desplazamiento, surge el oscuro teatro de una desconstrucción: la forma se desvanece; la identidad desaparece al mismo tiempo que el marco constituyente. El país que se presenta no tiene fronteras, está por todas partes. Estamos en la amplitud, en alta mar. Los marcadores ya no existen, las balizas están crucialmente ausentes. Posicionarse de esta manera, en el borde del mundo, es una invitación a cambiar la mirada y la experiencia del cuerpo. Es un camino hacia la realidad que conduce al origen; un camino hacia una dramaturgia sorda, un regreso a lo indeterminado, un flotamiento suspendido en la libertad del sueño. El mundo aparece en un vertiginoso cruce de nudos, de agujeros, de líneas. Extraño cambio de escenario: ya no se le parece. Cuando la superficie es el único signo de una presencia, cuando no queda más que el color liberado del contorno, la pintura abstracta no está muy lejos. Hay un cambio de textura, un oscurecimiento, una emergencia de figuras nocturnas. Nos quedamos entonces inmovilizados, en la prohibición del enfrentamiento con el enigma. La postura deviene en pura interrogación: “¿Qué es eso?”.

Pénombres entrouvertes

Penumbras entreabiertas

Qui traversez nos corps

Que atraviesan nuestros cuerpos

Dans un sillage d’oiseaux fous

En una estela de pájaros locos

Vos pays profonds

Sus regiones profundas

Sèment des orages sans nom

Se siembran de tormentas sin nombre

Des sanglots de transparence

De sollozos de transparencia

ineffables

inefables

Diamants d’une autre rive

Diamantes de la otra orilla

Âmes noires

Almas negras

Âmes dormantes

Almas durmientes

Qui vous réveillez

Que despiertan

À la levée du sortilège

Con el levantamiento del sortilegio

Têtes hissées sur les abîmes

Cabezas elevadas sobre los abismos

Coulures du feu

Derrames de fuego

Brèches par où s’entrebâille

Brechas por donde se entreabre

L’ancien volcan sans fond

El antiguo volcán sin fondo

Sur l’épaisseur du masque

Sobre el espesor de la máscara

Affleure votre lueur secrète

Asoma su débil luz secreta

De profil puis de face

De perfil y luego de frente

Ce ne sont qu’insondables trous

No son más que insondables agujeros

Une piste à ne pas suivre

Una pista para no seguir

Ce n’est pas un signe s’envolant

No es una señal que vuela

Non plus des griffes altières

Tampoco unas garras altaneras

On dirait…

Diríamos...

La mécanique des cadrans

La mecánica de las esferas

S’échappant solitaire

Escapando en solitario

Qui désignera cela ?

¿Quién lo diseñará?

Qui nommera ces cendres ?

¿Quién nombrará estas cenizas?

Si c’est une grille enfouie

Si es una cuadrícula enterrada

Elle ne peut s’extirper du sol

Ella no se puede arrancar del suelo

Il y a bien des yeux pour voir

Hay muchos ojos para ver

Mais ce sont deux larmes

Pero estas son dos lagrimas

Qui menacent fort – ou alors

Que amenazan fuertemente, o bien

Sont elles-mêmes menacées

Ellas mismas están amenazadas

Par une pelote en flammes

Por una bola en llamas

Qui expliquera cela ?

¿Quién va a explicar eso?

Et là en dents de scie

Y allá en forma de dientes de sierra

En tache anthropomorphe

En la mancha antropomorfa

L’inconnu encore s’avançant

Lo desconocido sigue avanzando

le chant du monde

el canto del mundo

Peu à peu, de cette déconstruction de l’ordinaire, s’érige une construction qui nous fait entrer dans un processus d’intelligence des formes. Réduit aux éclats, le monde apparaît, ses nervures se mettent à briller, ses lignes d’abîme à vibrer, ses rythmes à danser. Il brûle d’une intensité foisonnante, il se lève comme une averse, un volcan, il fait signe. Des lèvres entrouvertes de la bouche d’ombre, dans l’arbre ou dans la pierre, nous parvient la rumeur d’un chant profond, d’une incantation. C’est un tremblement, une pulsation vibratoire en excès, un cœur battant de tout. La terre est prête, fibre sonore. Chaque cavité ligneuse, chaque promontoire de cellulose participe à la polyphonie animiste, une calligraphie crayeuse, une aile de papillon. La discrétion est leur manière et s’ils chahutent et parfois se déchaînent, c’est toujours en dormant, car ils sont suspendus à l’autre moitié de nous.

Gradualmente, a partir de esta desconstrucción de lo ordinario, se erige una construcción que nos hace entrar en un proceso de inteligencia de formas. Reducido a sus fragmentos, el mundo aparece; sus nervaduras comienzan a brillar; sus líneas profundas, a vibrar; sus ritmos, a bailar. Se quema con una intensidad rebosante, se levanta como una avalancha; como un volcán, se muestra. Los labios entreabiertos de la boca de la sombra, en el árbol o en la piedra, nos alcanzan con el sonido de un canto profundo, de un encantamiento. Es un temblor, una pulsación vibratoria en exceso, un corazón palpitante de todo. La tierra está lista, fibra sonora. Cada cavidad leñosa, cada promontorio de celulosa, participa en la polifonía animista, una caligrafía calcárea, un ala de mariposa. La discreción es su manera, y si ellos alborotan y en ocasiones pierden el control, es siempre de un modo latente, porque están suspendidos en la otra mitad de nosotros.

Nageur éparpillé

Nadador disperso

Parmi les roses grises

Entre las rosas grises

À l’heure la plus chaude

En la hora más calurosa

Abandonnant les amarres

Abandonando las amarras

Les diaprures

Los matices

Les moires

El muaré

Corps de barque lové sur le seuil

Cuerpo de barca enrollado en el umbral

Tu marches sur des aiguilles

Caminas sobre agujas

Dans l’Indistinct coupant

En el Indistinto cortante

Les mots rompus

Las palabras rotas

Tu t’avances

Avanzas

De l’autre côté du soleil

En el otro lado del sol

Dans la force cachée de la lune

En la fuerza oculta de la luna

Rampes de scène renversées

Barandilla del escenario invertido

Voyageant là-bas

Viajando hacia allá

Un seul cri de diamant

Un único alarido de diamante

Cet éclair de mémoire striant

Este destello de memoria, estriado

Dans l’extrême nudité des souffles

En la extrema desnudez del aliento

Tourbillonnant

Arremolinado

Porté par l’incandescence de cet arbre de feu

Llevado por la incandescencia de este árbol de fuego

Aux cheveux dénoués

Con el cabello suelto

Sous le barbare cri des pierres

Bajo el bárbaro grito de las piedras

Dans le frisson des herbes jaunes

En el estremecimiento de las hierbas amarillas

Nul subterfuge

Sin subterfugios

Juste l’esquisse d’un visage

Solo el boceto de una cara

Une anémone de personne

Anémona de la persona

Qui sonne et qui s’étonne

Quien suena y quien se sorprende

Remontant vers la source

Regresar a la fuente

Le fracas des eaux vives

El estrépito de las aguas vivas

À peine la palpitation d’un corps

A penas la palpitación de un cuerpo

Dans tous ses états de sidération, de sommeil

En todos sus estados de estupefacción, de sueño

De saisissement

De sobrecogimiento

Langue d’amour aux syllabes neuves

Lenguaje de amor con nuevas sílabas

Langue absolue qui se brise en arcs de lumière

Lenguaje absoluto que se quiebra en arcos de luz

Enchantement qui court de sommet en sommet

Encantamiento que corre entre cumbres

Trouant les cécités de l’habitude

Perfora la ceguera de la costumbre

Transfigurant les emballages de papier

Transfigura los envoltorios de papel

En dentelle de mariée

En encaje nupcial

À la surface des images

En la superficie de las imágenes

Tu entends sourdre un chant

Escuchas brotar un canto

Une rumeur d’un autre temps

Un rumor de otro tiempo

Quand tous nos mots n’étaient qu’étoiles

Cuando todas nuestras palabras no eran más que estrellas

Cela semble surgir de là-bas

Pareciera surgir de allá

D’un jardin à l'aurore

De un jardín en la aurora

Étincelle sonore

Destello sonoro

Et s’avancer vers nous

Y avanza hacia nosotros

À travers les brins mauves

A través de las hebras malvas

Hissant la voix des pierres

Levando las voces de las piedras

Le froissement des herbes sous l’averse

El susurro de la hierba bajo la lluvia

Cela se fait petite musique / S’accorde aux âmes grises de la pluie

Haciendo música pequeña / Armonizandose con las almas grises de la lluvia

Ou stridence de rouge

O la estridencia del rojo

Crissement d’une neige

Crujido de la nieve

Ou soupir étonné

O el suspiro sorprendido

Ici un buisson de gouttes sonne la charge d’une alarme de cristal

Aquí un arbusto de gotas suena la carga de una alarma de cristal

Ici un rire inachevé

Aquí una risa inacabada

Perce nos sommeils

Perfora nuestro sueño

Comme une immense phrase

Como una inmensa frase

Ainsi passant la main à travers l’épaisseur trouée

Atravesando la mano de este modo

S’engouffrant dans la brèche immense du

Engullendose en la enorme brecha del Casi Nada

On court

Corremos

On se penche à l’autre bout de soi

Inclinados al otro extremo de uno mismo

Un arc-en-ciel se lève du dedans de ce cri

Un arcoiris se eleva desde dentro de este grito

Méconnaissables

Irreconocibles

De très loin, arrivent les figures

Desde muy lejos, llegan las figuras

En cohortes étranges

En extrañas cohortes

Avec leurs faces dépareillées de nulle part

Con sus caras disparejas en la parte inexistente

Avec leurs yeux voraces, leurs coulées argentines

Con sus ojos voraces, sus flujos argentinos

Et cette voix cachée

Y esta voz oculta

Renouant avec l’obscur de nous

Reanudando con nuestra oscuridad

Ce frôlement d’une origine

Este rozamiento de un origen

Dont les puits sont reliés aux sources du désir

Cuyos pozos están conectados a las fuentes del deseo

C’est à peine à la fin si l’on ose recevoir

Es apenas el final si uno se atreve a recibir

Tant de douceur

Tanta dulzura

souffle cosmique

aliento cósmico

Alors une ancienne crispation se défait, toute envie de maîtrise se dénoue. Spontanément, l’alternance des effacements et des apparitions, les effets de géométrisation, de stylisation, d’anonymisation, tracent pour nous la voie vers l’Un. C’est dans une extrême vulnérabilité que l’on s’avance pour franchir cette lisière qui nous aventure dans une alliance avec le monde et nous-mêmes. Comme si un mystérieux rendez-vous nous y avait été fixé pour naître là, à la porte du minuscule, aux sources du souffle, et faire retour vers l’immense. Ce que nous regardons nous regarde, à présent insiste, exige de nous non seulement présence mais engagement. En ce lieu unique d’authenticité, en ce moment exact de vérité d’où sont exclus détours, camouflages et artifices, nous nous trouvons nus, face à l’épaisseur sans fond – yeux dans les yeux avec l’extravagant dévoilement de ce qu’aucun nom ne saurait désigner.

Entonces una vieja crispación es vencida, se deshace cualquier deseo de control. Espontáneamente, la alternancia de borramientos y apariciones; los efectos de la geometrización, la estilización, el anonimato; trazan para nosotros el camino hacia el Uno. Es bajo una vulnerabilidad extrema que avanzamos para franquear este lindero que nos aventura en una alianza con el mundo y con nosotros mismos. Como si una misteriosa cita nos hubiera sido fijada para que naciéramos allí, en la puerta de lo minúsculo, en las fuentes del aliento, y nos volviéramos hacia lo inmenso. Lo que miramos, nos mira; ahora insiste, exige de nosotros no solo la presencia, sino también el compromiso. En este lugar único de autenticidad, en este momento exacto de la verdad, del que se excluyen los desvíos, los camuflajes y los artificios; nos encontramos desnudos, frente a la densidad sin fondo –mirándonos a los ojos con el extravagante descubrimiento de lo que ningún nombre sabría designar

Passereaux dérivant

Gorrión a la deriva

Plus loin que les mirages

Más allá de los espejismos

À l’autre bout de l’océan

En el otro extremo del océano

Navire incandescent

Nave incandescente

Autres vestiges

Otros vestigios

Outrepassant

Excedidos

Présage

Presagio

Vacillement

Indecisión

Absence en suspens

Ausencia suspendida

Fêlure d’exil

Grieta del exilio

Lueur blanche

Resplandor blanco

Perle de ce qui fut

Perla de lo que era

Oubli

Olvido

Tumulte s’effaçant

Tumulto que se desvanece

Horizon

Horizonte

Chaviré

Derribado

postambule

postámbulo

Quelques notes rétrospectives sur la trame de ce voyage dans l’univers étonnant du 2cm5 sont rassemblées dans ce qui suit. Elles cherchent à préciser un tant soit peu les intentions d’origine, leurs contours et leurs limites, leur évolution au cours des dix-sept mois qu’il a fallu au projet pour trouver un équilibre en sa forme présente.
Animé par une intense curiosité, le plan de route initial n’était qu’une vague esquisse, une mise en situation prenant sa racine dans le désir d’une dilatation de l’espace propre à susciter une empathie de proximité. Seraient ainsi observés de très près les minéraux (sable, roches, failles…), les végétaux (écorces, fleurs, feuilles, racines, fruits et légumes…), les animaux (insectes, plumes d’oiseaux…) ou certaines parties du corps humain (œil, sourcils, langue, peau, lèvres, cheveux…), les états de la matière (eau, brouillard, feu…), leurs textures, leurs transparences ou reflets, toutes sortes d’artefacts et d’écritures au sens large… De cette transformation de l’échelle usuelle pouvait naître par extension de la palette des couleurs, des formes et des sons, un nouvel inventaire des éléments topologiques environnants, un nouveau vocabulaire, peut-être même une nouvelle logique.
Le terreau de départ a été une semaine passée dans l’isolement relatif d’un petit village d’Ardèche, entre les murs austères de bâtisses à l’écoute du vent ou sur les sentiers recouverts d’aiguilles de pin à la recherche d’écorces bavardes et de bouches d’ombre pierreuses. De cette enfance baladeuse, le projet a gardé un caractère nomade. Les moyens techniques qui ont formé son attirail sont restés délibérément limités : il ne s’est encombré ni de trépied ni de volumineuse lentille macro. Les prises de vue ont été effectuées dans un esprit de photo d’album de famille, c’est-à-dire d’une photographie « amateur » prétendant plus au témoignage qu’à la création esthétique. Si l’art parfois y survient, c’est uniquement par effraction. La plupart des « erreurs » photographiques habituelles, qui on le sait n’en sont pas toujours, tels le flou, la sur- ou sous-exposition, le défaut de cadrage ou les obstructions, y sont assumées sans complexe. De même, la distance théorique de 2cm5 entre observateur et observable n’est restée que largement approximative.
L’intérêt manifesté par des personnes extérieures au projet devant ces prises de vue impromptues, la plupart du temps acrobatiques ou rampantes, a fait peu à peu germer l’idée d’une publication sur papier. Une structure a pris forme, des rubriques ont progressivement émergé, révélatrices de sept étapes le long d’une sorte de parcours initiatique. Face aux textes les introduisant, qui pourraient être qualifiés de méthodologiques ou analytiques, sont venus s’insérer ici ou là de courts textes « vibratoires », revêtant parfois un caractère incantatoire, susceptibles de suggérer, idéalement restituer, les effets produits, les surprises occasionnées, les émotions et élans rencontrés. Ces textes épars visent à rendre compte de l’étonnement provoqué par l’expérience en cours : ce qui se passe dépasse l’observable, le réel en se rapprochant s’ourle de mystère, s’ouvre à des profondeurs inouïes. Le regard transfigure ce qu’il touche ; à sa lumière se métamorphose l’ordinaire, infiniment plus vaste, plus soyeux, plus tendre, plus joueur qu’anticipé.
Le choix de mise en page pour former la grande majorité des planches a été d’apparier deux images (de rares fois, trois) et cet exercice de rapprochement d’un autre type, avec sa part inexpugnable d’inexpliqué, est rapidement devenu partie intégrante du projet. Ainsi placées en vis-à-vis, les photographies s’interpellent, s’échangent leurs courbes versatiles, leurs chatoiements profonds. Par-delà leurs voisinages aléatoires, les images se découvrent des connivences inattendues, échos de lignes, de couleurs, d’éclats ou de formes. Elles se répondent dans leur langue par afflux de matières ou de densités, s’accordent secrètement par des glissements souterrains qu’on devine à peine, augmentent leurs effets d’énigme ou leurs lignes de fuite. Elles interrogent mutuellement leur nature de fragment, croisent leurs diagonales pour faire alliance ou bien se prêtent un morceau de rêve, suggèrent un art joyeux de la rencontre. Parfois elles se reconnaissent, s’adoptent avec évidence, parfois elles se cherchent pour peu à peu entrer en résonance par des biais improbables. À chaque fois, elles inventent le murmure d’une langue musicale, inconnue dans ses rythmes, ses intonations, ses souffles et ses orages.
Les questions primitives n’ont pas été oubliées, mais plutôt remodelées par l’émerveillement. Il semble que le monde commence à peine, un rêve l’a fait naître et lui prête, en ses plus obscurs alphabets, la capacité de nous faire signe, de nous rendre palpable, à travers l’insistance émouvante de sa matérialité, l’aventure si prodigieuse d’être vivants.

A continuación se recopilan algunas notas retrospectivas sobre la trama de este viaje, en el universo asombroso de 2cm5. En estas notas se busca precisar un poco las intenciones originales, su marco de referencia y sus límites, así como su evolución a lo largo de los diecisiete meses que tomó el proyecto para encontrar un equilibrio en su forma actual.
Impulsada por una intensa curiosidad, la hoja de ruta inicial era solo un esbozo vago, un escenario que echaba raíces en el deseo de una dilatación del espacio para suscitar una empatía de proximidad. Serían observados de muy cerca los minerales (arena, rocas, fallas ...), los vegetales (cortezas, flores, hojas, raíces, frutas y verduras ...), los animales (insectos, plumas de aves ...) o algunas partes del cuerpo humanos (ojos, cejas, lengua, piel, labios, cabello ...), los estados de la materia (agua, neblina, fuego ...), sus texturas, sus transparencias o reflejos, todo tipo de artefactos y escrituras en un sentido amplio... De esta transformación de la escala habitual, podría surgir por la extensión de la paleta de colores, formas y sonidos, un nuevo inventario de elementos topológicos circundantes, un nuevo vocabulario, quizá incluso una nueva lógica.
El caldo de cultivo fue una semana pasada en el aislamiento relativo de un pequeño pueblo en Ardeche, entre los muros austeros de los edificios, escuchando el viento o en los senderos cubiertos de agujas de pino, en busca de cortezas expresivas y infractuosidades sombrías y pedregosas. Desde esta infancia errante, el proyecto conservó un carácter nómada. Los medios técnicos que formaron su pertrecho, permanecieron deliberadamente limitados: no se vio obstruido ni por el trípode, ni por el voluminoso lente macro. Las tomas se hicieron con el espíritu de las foto de álbum familiar, es decir, de una fotografía no profesional, que pretende más el testimonio que la creación estética. Si el arte a veces acontece, es solo por accidente, como una entrada forzosa. La mayoría de los "errores" fotográficos habituales, que como sabemos no siempre lo son, tal como la falta de nitidez, la exposición excesiva o insuficiente, la falta de encuadre u obstrucciones, todo se asume sin complejos. Del mismo modo, la distancia teórica de 2cm5 entre el observador y lo observable, se ha mantenido, en gran medida, aproximada.
El interés mostrado por personas ajenas al proyecto frente a estas tomas improvisadas, en su mayoría acrobáticas o sumisas, nos ha hecho pensar, gradualmente, en la idea de una publicación sobre papel. Una estructura ha tomado forma, las secciones/categorías emergieron progresivamente, reveladoras de siete etapas, a lo largo de una suerte de viaje iniciático. Enfrentados a los textos que los introducían, que podrían calificarse de metodológicos o analíticos, unos breves textos "vibratorios" vinieron a insertarse aquí y allá, revestidos, a veces, de un carácter de encantamiento, suceptibles de sugerir, idealmente de restaurar, los efectos producidos, las sorpresas causadas, las emociones e impulsos encontrados. La intención de estos textos dispersos es dar cuenta del asombro provocado por la experiencia en curso: lo que sucede rebasa lo observable; lo real, en la medida en que se acerca, se bordea de misterio, se abre a profundidades inauditas. La mirada transfigura lo que toca; a su luz lo ordinario se transforma, infinitamente más vasto, más sedoso, más tierno, más lúdico de lo previsto.
La elección de la puesta en página, ha sido la de emparejar dos imágenes (rara vez, tres) y este ejercicio de reconciliación de otro tipo, con su parte inexpugnable de inexplicabilidad, rápidamente deviene en una parte integral del proyecto. Así, las fotografías enfrentadas se interpelan, intercambian sus curvas versátiles, sus relucientes profundidades. Sin embargo, más allá de su vecindad aleatoria, las imágenes revelan connotaciones inesperadas, ecos de líneas, colores, esquirlas o formas. Ellas se responden entre sí en su propia lengua, mediante una afluencia de materias o densidades, concertan secretamente mediante deslizamientos subterráneos que apenas adivinamos, aumentando sus efectos de enigma o sus líneas de fuga. Ellas se interrogan mutuamente su naturaleza fragmentaria, cruzan sus diagonales para hacer una alianza o se prestan un trozo de sueño; sugieren un arte alegre del encuentro. A veces, se reconocen, se adoptan con obviedad; otras, se buscan para entrar en resonacia a través de sesgos improbables. Cada vez, inventan el murmullo de un lenguaje musical, desconocido en sus ritmos, en sus entonaciones, en sus respiraciones y en sus tormentas.
Las preguntas primigenias no han sido olvidadas, sino más bien remodeladas por la fascinación. Pareciera que el mundo apenas comienza, un sueño lo ha hecho nacer y le presta, en sus alfabetos más oscuros, la capacidad de hacernos firmar, de hacernos palpables, a través de la insistencia conmovedora de su materialidad; de la aventura tan prodigiosa de estar vivo.

Anne Zali & Michel F. David, 2cm5
Exposition : Nepantla, 2018
Muséographie et traduction à l'espagnol : Ónix Acevedo Frómeta

La version papier de 2cm5 peut s'obtenir sur le site des Editions de la Banquise.

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