Je ne comprends pas comment on en est arrivé là !
Je n’ai absolument rien contre Clemenceau, Fallières ou Lépine, ils sont très naturels et font bien leur époque. Mais Mollard, l’ambassadeur Mollard, quelle folle idée d’utiliser son portable !
Je me mets à la place du spectateur, et c’est absolument ahurissant, comment peut-il croire un instant à la véracité de la scène ?
Je l’avais dit à Mollard au moment de la prise : « Surtout rien d’apprêté, comportez-vous comme dans la vie courante. » Il a dû prendre mon indication au pied de la lettre, mais de là à gâcher un cliché historique !
J’entends déjà les contempteurs, les dénigreurs de tout bord qui vont se rassembler : « Ah oui, un portable et pourquoi pas une tablette ? La photographie sentait déjà la mise en scène, elle distille à présent une lourde odeur d’anachronisme ! »
Et ils n’auront pas tort tous ces adeptes du complot, ceux qui voient dans l’Histoire des contes pour enfants, ceux qui doutent de tout, et qui pensent que le monde débute à leur naissance.
Bien sûr, on a refait la prise, mais c’était déjà trop tard, les journaux de l’époque s’étaient déjà emparés de l’image, ils titrèrent en chœur : « Un portable en 1907, quelle absurdité ! Merci M. Mollard ! »
Des intellectuels prompts à se mobiliser dénoncèrent – je cite – « la manipulation des images et le côté pernicieux qui nous fait croire à tout ce que l’on voit. » Comment ne pas leur donner en partie raison ?
J’ai demandé à Mollard pourquoi il avait répondu, il a eu cette réponse sincère mais parfaitement inadaptée : « Quand ça sonne, je décroche, je ne peux pas m’en empêcher. »
Que voulez-vous que l’on fasse avec ça ?