Pour des raisons évidentes de sécurité, leur conversation fut tenue secrète pendant des années. Enregistrée à leur insu, elle révèle, je crois, l’énorme distance qui nous sépare d’eux. Il n’y a pourtant pas à douter que nous devrons, dans les prochaines décennies ou dans les prochains jours, nous préparer à leur inéluctable retour.
– Enregistrement du XXX/YY au lieu-dit le ZZZ – ne pas diffuser –
– Tu sens quelque chose, toi ?
– Pas grand-chose : des présences mais pas de consciences. Je me demande s’il n’y a pas un problème avec les combinaisons.
– Elles sont standard. Mais tu as raison, on ne voit rien sous ce truc. Ils auraient pu nous refiler de simples costumes de protection.
– Bon, on s’en fout. Note les coordonnées. On prend le quart #@^/# {}, cela fera très bien avec le jardin. On terraforme tout ça et, hop !, le tour est joué.
– Où tu mets la piscine de méthane ?
– Là-bas dans le coin, à côté de la fontaine à neutrons. Ça fera joli non ?
– Sympa quand même que les gars nous aient attribué cette planète. Tranquille, bourrée de gaz carbonique, avec une très légère odeur d’oxygène. C’est délicieux !
– Et surtout quel calme ! Quelle absence de tout ! Quelle exquise solitude ! Regarde les montagnes là-bas, on n’aura qu’à les aplanir pour le champ de plasma. Ça va être fantastique !
– Allez ! On y va. On revient dans une petite sezaine et on se met au boulot.
– Je t’aime ma chérie !
– Moi aussi mon petit vieux.
*
Depuis plus de cinquante ans, tous les gouvernements déversent dans l’espace et sur toutes les fréquences le même message : « Nous sommes là – stop – La terre est déjà occupée – stop – Merci de prendre contact avec les services de l’immigration – stop – D’autres planètes sont possibles à des prix abordables – stop. »
Reste que l’on s’interroge toujours sur la véritable longueur de leur « petite sezaine ».
Certains impatients pensent d’ailleurs que la plaisanterie a assez duré.