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Universel
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Tout comme il existe de nombreuses langues naturelles, il y a de nombreux langages. Le plus souvent il s’agit de langages spécialisés, comme par exemple dans le domaine de l’informatique le langage C, le Fortran, Java…. Ces langages correspondent à des usages spécifiques, ils servent à écrire des programmes destinés à régler des problèmes particuliers. Ainsi dans des domaines scientifiques,  comme la physique, c’est souvent le Fortran qui est mis à contribution. Même si une grande partie de ces langages présentent des caractéristiques communes, par exemple le fait des traiter des flux de données avec des instructions de type « tant que » ou des instructions conditionnelles de type « si… alors »,  chacun d’eux présente de forts particularismes.

N’importe lequel de ces langages permet de créer des programmes qui dépendent du système d’exploitation faisant fonctionner l’ordinateur. Ainsi un programme écrit pour tourner sur un Mac ne saurait fonctionner sur un PC. Quand un même programme tourne avec un système d’exploitation Mac, PC ou Linux, c’est parce qu’il a été réécrit pour s’adapter aux diverses conditions.

Il existe cependant un langage qui a un caractère universel, c’est le HTML et son complément le CSS.

Pourquoi parler d’un langage universel ? Parce que c’est le seul langage qui soit utilisé dans le monde entier sur tous les ordinateurs, tablettes ou bien téléphones quel que soit leurs systèmes d’exploitation.

C’est un langage avec son lexique et sa syntaxe. Cette dernière est particulièrement bien connue des programmeurs qui savent par expérience qu’une faute de syntaxe dans l’écriture d’un programme est beaucoup plus douloureuse qu’une faute en langue. La sanction pour une faute en programmation est le dysfonctionnement du programme, voire le plantage de la machine. Les langues, elles, sont beaucoup plus permissives.

Le vocabulaire du HTML  est constitué d’environ 120 termes, comme par exemple <a> et son corollaire </a> qui indique que ce qui se trouve entre les deux balises est un hyperlien. Celui de son complément, le CSS, est d’un peu plus du double, soit environ 250 expressions.

Avec moins de 400 expressions, que peut-on exprimer ? En langue naturelle, c’est à peu près ce qu’il est nécessaire de connaitre pour pouvoir communiquer. En informatique, cela répond à la plus grande partie des besoins communs actuels. D’un côté, il s’agit d’un minimum, indispensable pour pouvoir communiquer, de l’autre, il s’agit d’un maximum. C’est-à-dire que le HTML est  une forme de langage qui a une très grande efficacité. D’autant plus grande si l’on pense qu’une bonne partie de ces expressions ne sont que très rarement utilisées.

Tout langage répond à un besoin. Quel est celui auquel répond le HTML ? Afficher sur des écrans des contenus envoyés sous forme numérique depuis les quatre coins du monde. Des écrans aussi variés que peuvent l’être ceux des ordinateurs, des tablettes, des téléphones chacun étant géré par des systèmes d’exploitation différents, comme peuvent l’être IOS, Windows, Android…

Non seulement les supports d’affichage sont très différents mais les contenus le sont encore plus. Cela peut-être des images, de la musique, des vidéos, du texte. En un mot, tout ce qui est susceptible d’être réduit à une transcription numérique. Seuls quelques domaines, comme les odeurs, n’ont pas encore trouvé leur transcription numérique ou plus précisément leurs terminaux.

Et puis surtout, le HTML se joue des langues. Afficher du chinois, de l’hindi, de l’arabe, de l’hébreu, ou encore des caractères latins est totalement indifférent comme on peut s’en rendre compte dans les quatre exemples suivants qui montrent le premier écran de quatre sites, le premier en langue et écriture chinoise, le second en langue et écriture hindi, le troisième en arabe et le dernier en hébreu.

   
 
Site chinois

   
 
   
 
 
Site indien

Site arabe

Site hébreu

 

Regarder rapidement le code HTML est suffisant pour noter tout de suite deux faits : il y a, dans les quatre cas, quelques rares signes correspondant à l’écriture de ces langues, alors que la plus grande partie ce qui est écrit l’est en caractères latins.

De plus, si l’on se penche un peu plus sur ces quelques lignes, représentatives de la totalité de sites en ligne sur internet, on note la présence de mots anglais comme : « doctype, meta name, keyword, head, link, title.. ».

Chacun des quatre programmeurs – chinois, indien, arabe, hébreu,–  parle une langue spécifique, utilise une écriture différente, mais pour écrire leurs programmes ils utilisent un seul et même langage, le HTML associé au CSS.

Sur toute la surface du globe des programmeurs de langues et d’écritures différentes utilisent le HTML/CSS, un langage qui ne cache pas ses origines, à savoir l’anglais. A la différence des langues dont on ne connait pas l’origine, le HTML est né, en 1989, principalement dans la tête d’un anglais, bien connu, qui est Tim Berners-Lee. En quelques années, c’est devenu un standard, le standard pour le moyen de communication qui a actuellement le développement le plus rapide, à savoir internet. Ce développement n’est pas le fruit du hasard mais bien au contraire la résultante d’une vision claire et d’une volonté déterminée qui a amené Tim Berners-Lee à créer un organisme regroupant de multiples acteurs du monde entier, le W3C, dont la finalité est d’accompagner le bon développement du langage HTML. Ce dernier, tout comme les langues, est en constante évolution. Actuellement le HTML se trouve dans sa cinquième version. C’est le W3C qui, au travers d’un processus complexe de recommandations, assure l’évolution cohérente du langage. Dans un monde qui est dominé par l’économie, la prise en otage des utilisateurs auxquels on impose de fréquentes mises à niveau, la suppression des supports matériels et l’obligation de louer des logiciels, le langage HTML, grâce à son caractère multiplateformes, de sa gratuité, du fait que tous les navigateurs web le reconnaissent et que son évolution est assurée, représente une bouffée de liberté. Ecrire en HTML, c’est se donner la possibilité d’écrire en toute indépendance les pages web que l’on peut rêver sans passer sous les fourches caudines des vendeurs de logiciels. Ecrire en HTML, c’est participer à la mise en œuvre de la volonté de ses auteurs, avec en tout premier lieu Tim Berners-Lee, qui a toujours été la diffusion gratuite au plus grand nombre d’internet.  

Tout comme les langues, le HTML est constitué d’un lexique et d’une syntaxe, mais il s’en distingue sur de nombreux points. L’un d’eux est le fait que ce langage ne traite que de problèmes spatiaux et n’intègre aucune instruction temporelle. Le temps est en fait représenté par ce que l’on nomme le flux, qui correspond à l’ordre chronologique des instructions. Tout est traité séquentiellement et la préoccupation majeure, et d’une réalisation complexe du fait de la variété des supports, du programmeur, est la disposition spatiale des informations que le flux charrie. Peu importe la variété des contenus à afficher le langage HTML/CSS est la solution universelle que l’homme a trouvé pour répondre à ce besoin de rendre visible des informations sur un écran.  

Depuis longtemps l’homme rêve de communiquer par le biais d’un langage commun. La création de l’espéranto, langue internationale parlée dans 120 pays à travers le monde en est une illustration récente.

Le langage HTML, à la différence de l’espéranto, ne permet pas de créer des contenus, son rôle est plus modeste, il ne fait qu’afficher, en les mettant en forme, des contenus existants. Nous sommes loin là de la puissance d’une langue. Le HTML ne met pas en forme la pensée, comme peut le faire une langue, mais il intervient à un stade ultérieur pour mettre en forme une pensée déjà exprimée.

Ce qui distingue aussi le langage HTML d’une langue, c’est sa relative invisibilité. On peut utiliser toute sa vie des écrans divers sans jamais se douter que ce que l’on voit est passé par le tamis de ce langage. Ce caractère caché est cependant relatif car l’utilisateur intéressé peut, s’il utilise un ordinateur, accéder très facilement au code HTML de la page affichée sur l’écran. Il suffit d’un clic droit de la souris (aujourd’hui on peut facilement le voir sur un ordinateur mais cela n’est déjà plus vrai sur les tablettes et les téléphones) pour voir apparaitre tout le code de la page en cours. Cette possibilité, qui n’est certainement pas fortuite et va à l’encontre des usages les plus généraux en informatique où les programmes sont clos et où l’utilisateur n’a pas accès au code, permet au lecteur curieux et à celui qui écrit en HTML d’apprendre par l’exemple. Avec ce partage des connaissances, on a là encore un exemple de la subsistance de l’esprit qui a présidé à la naissance du web.  

Du fait de sa transparence, on peut parfaitement ignorer la présence du HTML. C’est dommage car c’est passer à côté de l’idée que les hommes, dans toutes leurs différences et oppositions, ont été capables de mettre au point un langage qui ne soit la propriété de personne, d’en assurer la vie, et de lui donner un rayonnement universel.

 

   
 
Marc Thouvenot, Langage universel
[Russan, 2016]
   
 
   
 
   
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