Il y avait une fois un garçon qui perdit sa maman et son papa alors qu’il était encore tout petit. Il resta orphelin. Mais ses parrains n’avaient pas d’enfants, alors ils le prirent chez eux et le traitèrent comme leur propre fils. Et ils l’aimaient d’autant plus qu’ils n’avaient pas eu d’enfants, ils le gâtaient vraiment. Ils s’occupèrent bien de lui.
Quand il eut vers les dix ans, il alla parler à son père :
- Papa, je suis plus âgé maintenant, j’ai bien grandi. Grâce à Dieu, vous vous êtes occupés de moi, vous m’avez accompagné à l’église pour que je croie en Dieu, vous m’avez traité comme l’auraient fait de vrais parents. Aujourd’hui, ce que je voudrais, c’est que vous m’achetiez une carabine et un pistolet, et aussi des chiens de chasse, des bons, pour pénétrer au plus profond de la forêt et chasser le gibier. Ce qui me plaît, c’est de m’enfoncer le plus profond possible.
- Bon, fils, tu n’as qu’à dire ce que tu veux, on te l’achètera. Nous sommes là pour nous occuper de toi comme notre propre enfant. Nous t’avons nourri pour que tu vives, cela, ne l’oublies pas. On est là, on te les achètera.
Ils lui achetèrent sa carabine, son pistolet. Et le petit partit à la recherche d’autres enfants de son âge pour les encourager à l’accompagner en forêt, pour qu’ils aillent chasser des bêtes sauvages, des mapaches, ces sortes de ratons-laveurs, toutes les espèces de gibier, car dans les bois il y en a.
- Il y a du gibier en abondance dans cette forêt ! Tuons en, il y aura à manger !
Les enfants se laissaient convaincre, cinq d’entre furent partant, et ils commencèrent à y aller. Mais, par la suite, quand le père de l’orphelin se rendit compte qu’ils allaient souvent s’enfoncer dans les bois, il dit à sa femme :
- Ah, mon Dieu ! Mais pourquoi lui avoir acheté ce pistolet… et cette carabine… et ces chiens ? De bons chiens de chasse, en plus ! Maintenant ils veulent s’enfoncer là où c’est le plus dangereux. Et c’est là justement qu’il y a le tigre et la lionne ! Ils vont les dévorer, et pas seulement mon petit, mais eux tous ! Ce sont des animaux féroces, qui attaquent les humains ! Que faire ?
- Écoute, lui répondit sa femme, arrête de t’inquiéter car c’est Dieu qui nous a accordé cet enfant. Peut-être qu’il va en vivre, de la chasse ? Alors laisse-le y aller et s’éveiller à ce monde. Toi, tu n’as jamais voulu qu’il travaille, tu le gâtes, tu ne le laisses pas travailler aux champs avec toi, empoigner le sarcloir et bêcher la terre, alors laisse-le donc y aller !
Pourtant il leur arrivait souvent de pleurer car ils se faisaient du souci quand leur enfant partait jour et nuit. En fait, il ne partait jamais de nuit, il rentrait toujours dormir à la maison mais, dès l’aube, il repartait.
Un jour, le voilà maintenant grand, et il retourne parler à son père :
- Regarde, papa, j’ai maintenant douze chiens, et des bons. Donne-moi de l’argent pour qu’on les soigne bien, qu’on leur construise un abri et qu’on leur donne de la viande pour les rendre forts.
Et le père accepte.
- Parce qu’il y a cette lionne, qui rôde, et ce tigre, qui rôde aussi. Ce que nous voulons, c’est nous enfoncer là où c’est le plus dur à atteindre, car c’est là qu’ils rôdent et moi, je veux les attraper.
- Ah, fils, ne les poursuis pas, ils vont te dévorer ! Et pas seulement toi, mais vous tous !
- Rien, ils ne nous feront rien ! Parce que, moi, ce que je veux, ce sont leurs petits, ce sont ceux-là que je veux ramener ici. Mais avant, je vais tuer les parents.
Ils y allèrent tant et tant de fois qu’un jour ils tombèrent sur le tigre. Ils l’entendirent approcher. La peur gagne les jeunes :
- Qu’est-ce qu’on fait ?
- Il arrive, il va nous attraper !
- C’est un animal énorme !
- Grimpons à un arbre et de là, on lui tirera dessus, on le tuera.
Alors ils grimpent sur un arbre, le plus haut possible. Et ils montent jusqu’à la mi-hauteur. Mais le tigre grimpe aussi. Il va les atteindre ! Alors, lui, le garçon, il lui tire dessus avec son pistolet. Cinq coups ! Le tigre arrête de grimper, et il tombe. Ils descendent et tirent encore pour l’achever.
Ils revinrent chez eux, mais dès le lendemain ils repartirent. Et ils marchent, ils marchent, ils marchent. Ils ne chassent pas les autres animaux, ce qu’ils cherchent, c’est la lionne. Ils veulent en finir avec ce nuisible. Pour pouvoir être libres, il faut d’abord éliminer les animaux qui attaquent les hommes. Et, cette fois-là encore, ils la dénichent.
- La voilà ! Elle approche !
Elle est encore plus grosse que le tigre. Ils choisissent un arbre très haut pour y grimper, eux qui grimpent si bien, et ils montent le plus haut possible, jusqu’à la cime. Mais la lionne grimpe derrière, assez près pour pouvoir les dévorer. Mais les jeunes, ils avaient emprunté des armes, ils en portaient une, tous les cinq. Et ils lui tirent dessus, tous à la fois. Cela ne lui fait rien, elle continue à grimper derrière eux. Il a fallu dix coups de feu pour l’atteindre, et alors là, oui, elle est tombée. Ils descendent pour l’achever. Ils lui tirent encore dessus plusieurs coups et elle finit par mourir. Elle était plus forte que le tigre, et de bien plus grande taille !
Ils rentrèrent chez eux, sans chercher les petits parce qu’ils ne savaient pas où ils se trouvaient. Mais dès le lendemain, au petit jour, ils y retournèrent. Ils virent en chemin d’autres animaux qui prenaient la fuite devant eux, mais ils ne chassaient que les adultes, et tous, pour rapporter de la viande. Les petits, ils les laissaient vivants –Combien d’animaux on trouve au plus profond de la forêt ! Un bon gibier pour nous, les hommes !– Mais les jeunes ne s’arrêtaient pas, ils continuèrent à marcher, à marcher, jusqu’à trouver les petits de la lionne. Ils étaient deux. Eh bien, ils les attrapèrent, car les petits ne pouvaient rien faire. Et les ramenèrent vivants.
Quand le garçon, celui que ses parents aimaient tellement, arriva chez lui, son père poussa des cris :
- Mais, fils, qu’est-ce que tu es en train de faire ? Comment peux-tu ramener vivants ces animaux ? Ils vont te dévorer !
C’est alors que le garçon a dû lui expliquer qu’il avait tué les parents qui, eux, étaient dangereux. Il lui raconta tout, pour qu’il arrête d’avoir peur :
- Ne crains rien, mon cher papa.
- Mais le tigre et la lionne vont certainement venir ici les chercher, et ils vont en finir avec le village ! Pourquoi avoir ramené les petits ?
- Il n’y a pas de raison d’avoir peur, papa, parce que nous les avons tués, nous les avons tous tués, les adultes. Alors arrête d’avoir peur ! Ce qu’on va faire maintenant avec les petits, c’est de les apprivoiser, ainsi, par la suite, ils ne nous feront plus rien. D’ailleurs, c’est pour cela que je t’avais demandé de construire un abri pour les bêtes. Maintenant, apporte-moi une chaine en fer pour les attacher car, sans liens, ils vont s’enfuir.
Ce père, il aimait tellement son fils qu’il ne put se résoudre à tuer les petits. Il acheta la chaîne. Et ils apprivoisèrent les petits. Tous les jours, ils tuaient un cochon, ou bien une vache, pour que les animaux aient de la viande à manger, et il leur arrivait d’en rapporter de la chasse. Les chiens aidaient bien pour la chasse parce que, avec leur flair, ils le débusquent l’animal touché et le tuent. Les chiens, bien qu’animaux eux même, ils ont une intelligence qui leur permet de tuer les animaux.
Les jeunes sont maintenant grands. Le garçon continue à partir en forêt et ainsi il fait vivre ses parents qui vendent le gibier qu’il rapporte. Et cela, pendant bien des années. Mais par la suite, l’ennui commence à le gagner. Ses parents lui conseillent alors de se marier :
- Cherche femme, et nous irons faire la demande en mariage. Trouve une jeune fille qui te plaise, qui soit bien jolie, et nous te marierons. Nous ne sommes pas éternels. Quand nous mourrons, tu vas te retrouver tout seul ici puisque tu es notre unique enfant.
- Je ne veux pas qu’on me marie ! J’ai mes bêtes et je me nourris de la forêt, et je ne me marierai pas !
Mais vint le jour où l’ennui fut tel qu’il pensa à quitter le village, à aller ailleurs.
- Je veux trouver une forêt encore plus épaisse ailleurs, se disait-il. Je ne vais pas rester ici. Je vais partir et emmener mes bêtes avec moi.
Il commença alors à parler à son père :
- Je vais partir. Mais je ne vous oublierai pas, je vais revenir, et je rapporterai de l’argent. Je pars, je m’ennuie trop au village. Cherchez des ouvriers agricoles pour qu’ils travaillent pour vous, et moi, je rapporterai l’argent pour les payer. Je m’en vais voir ailleurs, je m’ennuie trop ici.
Ses parents ne l’acceptaient pas, ils pleuraient beaucoup. Et comment pouvoir rester seuls ? Leur enfant chéri s’en va !
Il partit malgré tout.
Il marcha trois jours et trois nuits et, à l’aube du quatrième jour, il arriva à un grand pâturage. Avec lui marchaient les bêtes, poursuivant leur chemin. La lionne et le tigre le suivaient, mais bien attachés avec une chaîne pour qu’ils ne puissent faire aucun mal. Il entra dans le pâturage. Et là, il y avait une jeune fille, bien jolie !
- Regarde ça ! Il y a une jeune fille dans le pâturage ! dit le garçon
- Elle ne peut se trouver là que s’il y a une étendue d’eau, lui répondit la lionne, à qui il avait appris à parler et qui pouvait discuter. Si cette jeune fille est assise comme ça, c’est à cause de l’eau, et elle va sous peu se faire attraper. Vite courrons, allons la délivrer !
Ils partirent en courant à toute allure et ils l’atteignirent avant ce qui devait l’attraper. C’était une jeune fille vraiment particulièrement jolie : une princesse, la fille d’un roi. Et ce jour-là, elle était destinée à se faire dévorer par le serpent, un dragon.
Ils parvinrent jusqu’à elle, les bêtes l’entourèrent et le jeune homme lui parla.
- Qu’est-ce que tu fais ?
- Rien.
- Pourquoi es-tu assise ici ?
- A cause de l’eau. C’est la seule source pour le village où puiser l’eau, il n’y a nulle part ailleurs d’autre source d’eau potable pour le village. Et dans cet étang se trouve un serpent, énorme, qui chaque jour dévore un être humain, chaque jour ! Et on dit que si on ne lui apporte pas quelqu’un à dévorer chaque jour, alors il sortira et viendra nous dévorer tous. Maintenant, c’est à mon tour d’être dévorée !
- Et comment va-t-il s’y prendre ? demanda la lionne
- Eh bien, par-là, là où se trouvent ces deux longues poutres qui traversent l’étang. Au beau milieu, la jeune fille doit déposer ses vêtements, tous ses vêtements. Et le serpent attrape d’abord les vêtements et, seulement après, la jeune fille s’y place et le serpent revient et l’emporte. Là j’y vais, vous pourrez le voir me prendre.
- Ah, sûrement pas ! Toi, tu n’y vas pas ! A quel moment doit-il apparaître ?
- Mes parents viennent à peine de me laisser, ils sont partis pour ne pas le voir me dévorer !
- Bon, ça me laisse un instant pour dormir, dit le jeune homme, car nous avons marché toute la nuit, je tombe de sommeil. Dès que tu verras l’eau s’agiter, tu m’appelles.
- D’accord, dit-elle, mais si, aujourd’hui, tu me sors de là et que tu empêches ce serpent de me dévorer, alors je te suivrai où que tu ailles, et nous nous marierons.
- Mais moi, je ne cherche pas femme ! Moi, je ne veux pas me marier ! Ce que je veux, c’est vivre avec mes bêtes !
Les bêtes sont aux aguets, elles ont tout entendu. Et la lionne déclare :
- C’est avec moi que ça va se passer ! Là, c’est moi qui mène l’action !
Ils se placèrent tout proche. Le jeune homme s’endormit, mais les bêtes, elles, restèrent aux aguets. Il ne dormit que peu, peut-être une demi-heure. On vit que l’eau bougeait – c’était une eau dormante, seule l’arrivée du serpent pouvait la faire bouger–, le serpent arrivait !
Ils sont sur le qui-vive. D’abord l’eau remue un peu, puis se met à s’agiter, de plus en plus fort. Alors il jaillit, et attrape le premier coffre de vêtements, et replonge. Puis il surgit une deuxième fois, attrape l’autre coffre, et l’emporte. Et le voilà revient, pour la troisième fois, il va prendre la jeune fille. Mais elle n’est pas là, elle est un peu plus loin. Il la cherche des yeux, il se dirige vers elle. A ce moment précis, le jeune homme lui tire dessus, tant et tant de fois que le serpent ralentit peu à peu, et s’arrête d’avancer. Et il se retourne–comme ça–, puis fait volte-face –comme ça. D’un saut, les chiens se jettent à l’eau, et la lionne saute aussi dans l’eau, et le tigre l’attrape dans sa gueule, et ils le tirent hors de l’eau.
Ils l’étendent de tout son long et le laissent étendu sur le sol.
- Te voilà libre maintenant. Rentre chez toi, va rejoindre tes parents.
- Moi ? Sûrement pas, je n’y vais pas ! Et même si tu ne le veux pas, je te suivrai où que tu ailles !
- Mais si ! Nous maintenant nous partons. Nous devons aller dans un endroit habité parce que les bêtes sont affamées, il faut qu’elles mangent, et d’ailleurs, moi aussi, j’ai faim.
Mais la jeune fille ne laissait pas le jeune homme partir, elle voulait le suivre.
Ils partirent. Ils s’arrêtèrent à la première maison pour demander s’ils n’auraient pas un cochon à tuer pour faire manger les animaux. On leur répondit que non mais on leur indiqua où en acheter.
Ils étaient venus tous ensemble et un charbonnier avait fait chemin avec eux. Il avait vu le serpent par terre, peut-être en les épiant. Et, quand les autres partirent, le charbonnier coupa les sept têtes du serpent –car, en fait, le serpent avait sept têtes–, il les enveloppa, se changea et alla trouver le roi :
- Regarde, j’ai sauvé ta fille, j’ai tué le serpent, je t’apporte ses têtes. Et maintenant je vais l’épouser.
A la vue des têtes, le roi fut rempli de joie qu’on eut tué le serpent..
- Mais, ta fille, un homme qui passait par là l’a suivie, je te le dis, l’a suivie !
- Alors toi, tu vas épouser ma fille, et tout de suite ! Je vais la chercher.
Et cet homme-là, il l’invita vraiment au palais. Quant au jeune homme, il le fit prévenir qu’il s’y rende aussi. On partit le chercher, mais c’est la jeune fille qu’ils ramenèrent d’abord.
Quand ils allèrent chercher le jeune homme pour l’enfermer, les animaux comprirent ce qui se passait :
- Approchez seulement pour l’attraper ! dit la lionne. Du seul coup de patte que je vais vous asséner, ça sera réglé ! Et moi toute seule, sans l’aide de personne !
Mais le jeune homme intervint :
- Non, non ! Je vais aller leur expliquer.
- Sûrement pas ! Si tu y vas, on va tous au village, non seulement moi, mais le tigre aussi, et les chiens. et on tue tout le monde.
- D’accord, j’irai, mais seulement demain. Je suis très fatigué et je dois encore nourrir les animaux. Et demain je me présenterai seul.
Mais le roi était pressé. Il était heureux de voir sa fille vivante, et il s’empressa d’annoncer publiquement que le mariage allait avoir lieu tout de suite. Et la jeune fille eut beau lui dire qu’elle ne voulait pas épouser cet homme :
- Si, tu vas l’épouser ! C’est moi qui commande, moi, ton père, et personne d’autre !
Mais, au mariage, elle refusa de lui donner sa main :
- Cet homme-là n’est pas mon époux ! Le seul que je prendrai comme époux, c’est celui qui a tué le serpent !
Mais le mariage eut lieu, et tous les proches du charbonnier y vinrent. La noce se fit, mais de nuit !
Le lendemain, le jeune homme se présenta devant le roi, accompagné de la lionne qui n’avait pas voulu rester. Il lui avait expliqué qu’il allait tout arranger lors de l’interrogatoire, et elle lui avait dit qu’elle voulait écouter.
Le roi expliqua au jeune homme que désormais il ne quitterait plus le village, qu’il y resterait.
- Et pourquoi ? demanda le jeune homme.
- Au cas où l’eau tarirait ! Dans ce cas, c’est à toi qu’il incombe de la faire revenir. Va savoir où tu iras la chercher, d’où tu la rapporteras ? Car sans eau, nous allons tous mourir de soif !
Le jeune homme accepta l’argument, et ils en restèrent là.
Mais, il revint, à peine un peu plus tard, et s’adressa à lui :
- Ecoutez, Seigneur, si je suis resté sans réagir, c’est que j’ai un caractère patient. Et c’est aussi à cause de mes animaux car, si besoin est, eux, ils feront revenir l’eau. Moi je n’ai pas les exigences de ce charbonnier qui vous a fait lui donner votre fille. Et, de fait, ce n’est pas lui qui a tué le serpent, c’est bien moi, et avec l’aide de la lionne, et ce sont les animaux qui ont réussi à le tirer hors de l’eau. Comment aurait-il pu le sortir à lui seul ? En aurait-il eu seulement la force ? Alors faites-moi la faveur de le faire appeler pour que je lui parle et qu’on voit de quelle façon il se moque de vous.
- Ah, il me trompe ? Et en quoi ?
- À quoi cela vous sert-il d’avoir les têtes ? Où a-t-il bien pu mettre les langues ?
Et il expliqua comment il avait demandé à la jeune fille de rentrer à la maison tout de suite et que c’était elle qui avait refusé. Elle les avait donc accompagné mais il ne lui avait pas dit un mot car il ne la courtisait pas, qu’il avait d’autres desseins que de l’épouser. Et le roi accepta de faire immédiatement appeler le charbonnier.
Il n’était pas loin.
- Et pourquoi te moques-tu du roi en lui disant que c’est toi qui a tué le serpent ? Et comment as-tu fais pour le sortir de l’eau ? Un animal d’une telle taille, tu en aurais eu la force ? Et si c’est toi qui as coupé les têtes, où as-tu mis les langues ? Tu dois bien les avoir quelque part ?
- Parce que cet animal a une langue ? Mais je ne le savais pas !
- Et comment ferait-il pour manger, sans langue ?Tous les animaux, même les plus minuscules, ont une langue ! Alors, un animal de cette taille !
C’est alors que le jeune homme montra les langues. Et là, le charbonnier prit la fuite, il fila à toute allure. Il y avait même par là une femme qui l’a suivi ! Ils allèrent se mettre dans une grotte.
La jeune fille arriva à ce moment-là. Elle s’adressa au roi en montrant le jeune homme :
- Lui, c’est bien lui que je veux épouser ! Car l’autre, il n’est pas mon époux, je n’ai pas répondu « oui » lors du mariage. Tout ça, c’est de ta faute, c’est toi qui m’as forcée à me marier avec l’autre, mais je me suis refusée à lui. Alors que celui-ci, je l’ai suivi volontairement car j’avais décidé de l’épouser.
Le roi le reconnu comme juste et consentit au mariage.
La fête se célébra le lendemain. On avait fait un abri pour les animaux, et c’est là qu’on leur envoya un orchestre pour qu’ils puissent eux aussi faire la fête. Pendant que le jeune homme se présentait devant le roi, la jeune fille avait pris soin de les nourrir, et c’est pourquoi la lionne ne l’avait pas accompagné chez le roi. Sinon, elle aurait été faire justice.
- Mais nous n’allons pas le laisser s’enfuir à si bon compte, dit-elle. Je pars à sa recherche, il a fui très loin, il s’est caché dans une grotte, avec une femme. Je vais les trouver et je les tuerai, d’un seul coup de patte.
Elle alla les tuer et revint avant le bal. Et tous allèrent danser.
Et ce n’était pas vrai que l’eau allait tarir, c’était une fausse rumeur, car l’eau n’a jamais tari. Le jeune homme était resté au cas où elle tarirait. Il était heureux chez le roi, qui les faisait vivre. Et les animaux pouvaient aller en forêt, comme toujours. Lui, il savait bien qu’ils y allaient, mais il restait avec sa femme.
Un jour, la mère de la jeune fille, qui était déjà âgée, tomba malade. Il n’y avait pas de remède, elle allait mourir. Elle demanda à la lionne si elle connaissait un remède et celle-ci lui répondit :
- J’y vais, moi, et maintenant. Ne désespérez pas. Je vais m’enfoncer dans la forêt jusqu’à ce que je retrouve ma grand-mère et mon grand-père. Eux, ils me donneront le remède. Toi, ne fais rien. La malade, nous allons la trouver. Partons, partons maintenant.
Ils partirent tous les deux, retrouvèrent l’aïeule et l’ailleul qui leur donnèrent le remède pour guérir la mère.
Alors moi, je suis partie, et eux, ils sont restés.