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Marcel Robelin
 
Les choses ne sont que l’écho de l’absence
 
 

« Ayant renoncé aux couleurs, trop bavardes, j’ai travaillé à partir de terres que je ramassais et en particulier d’un gris anthracite, schiste-carton provenant d’un feuilletage de marnes. J’habitais alors sur le Causse du Larzac : de là est venu ce gris associé au « désert » au vide et aussi l’idée d’empilement, l’impression d’être face à un livre, une mémoire, une écriture à l’échelle géologique. Plus tard, je me suis retrouvé à Paris, loin de « mes terres » : je les ai alors remplacées par des cendres. J’ai un réseau d’ami qui me fournit : il me reste à les classer en fonction de leur qualité de gris. Si, dans les cendres, la mémoire y est végétale et non plus minérale, il y a cependant la même dimension de mémoire, la même impression de couches successives, de strates.

Autrefois, je récupérais des papiers d’emballage déjà froissés pour les retravailler. Comme pour les cendres, ce sont des choses qui étaient vouées à la disparition et que seul un geste artistique, poétique pouvait sauver, leur offrant une nouvelle vie. Actuellement, j’utilise, en plus, des cartons de grande taille que je froisse après les avoir badigeonnés avec mes cendres. Le froissage est une manière de donner au papier une troisième dimension : placés au sol, ces papiers deviennent une géographie, un territoire que je survole. »


Marcel Robelin
 


Épilogue

Marcel Robelin
Sabine Puget

Le don des cendres
Françoise Gernot

 
Exposition
 
 
 
 
 
 
 
 
 


   
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Marcel Robelin
 
     
 

Papier froissé et cendré portant à sa surface la poussière du temps. Poudre fine et soyeuse, la cendre n’existe que recueillie par nos mains, sinon elle s’envole et avec elle la mémoire – de ce qu’elle fut. La cendre est notre finitude, celle de notre destruction par le feu, de notre consumation par le remord ou par la pénitence, de notre retour au néant et souvent elle couve la promesse de nouveaux malheurs. Mais avant d’être dispersée sur des terres d’oubli, elle nourrit la renaissance de la part toujours manquante de notre histoire.

La cendre, utilisée comme pigment par Marcel Robelin prend toutes les nuances de la non couleur ; celle de la lande, du causse, de l’erg, autant de lieux où l’absence est visible et palpable, autant de lieux du « peu » qui ne furent pas étrangers à sa vie. Qu’il les vécut ou les rêva, ils nourrissent son « in tranquillité » et son imaginaire autant que les poètes venus souvent de l’orient et gardés sous la main comme des viatiques. Un vaste atelier, promis désormais à la destruction par un promoteur, abrite l’ombre qui sied à une oeuvre parlant doucement de nos disparitions. Mais quelle merveille de voir se dessiner ce qui semble émerger d’un lointain connu et oublié, les vestiges esquissés de ce que furent nos demeures, palais ou gourbis, dont la magie de l’ombre nous livre des fragments précieux pour le voyage. Lorsqu’il ne travaille pas il se tient au fond, comme s’il voulait se cacher de ce qu’il vient de faire, devant une table qu’on dirait elle aussi rescapée d’un incendie. De là il peut prendre du recul, garder la distance nécessaire à la critique et laisser cours au vagabondage de son pessimisme naturel.

Ce pessimisme, allié au scepticisme et à l’humour s’érige en rempart contre le sérieux du désespoir. Avec l’élégance du funambule il tend un fil entre ce qui a disparu et ce qui est voué à disparaître, pour de là-haut chanter la beauté des choses, la poésie d’une arcature, l’élégance d’une dentelle de pierre, la jouissance d’une géométrie parfaite. C’est cela l’art de Marcel Robelin, la saisie de l’apparition d’un détail qui, désenfoui de sa gangue, devient la petite madeleine d’une longue saga où se sont bâties nos grandeurs et nos misères.

A ces vains ornements je préfère la cendre… Il pourrait prendre à son compte ce vers de Racine. En même temps cela sonne comme une réponse à la sophistication technique de l’art de notre époque. N’est-il pas magnifique que quelques ermites nous donnent à voir l’essence de notre humanité, sa puissance fragile, sa vocation à disparaître en utilisant du papier, des pinceaux, des pigments (ou de la cendre), de l’eau et la force de l’esprit. Marcel Robelin est de ceux-là.

 
Sabine Puget, Marcel Robelin, Catalogue de l'exposition à la galerie Art Élysées à Paris.
[septembre 2008]
 
       
       
       
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Le don des cendres
 
 

Faire œuvre grâce à la cendre destine le geste créateur à une discrétion, une rare abnégation. Cet effacement de soi si peu démiurgique donne toute son élégance à la pratique artistique de Marcel Robelin.

Des cendres ont été recueillies, vestiges provenant de nombreuses et diverses combustions de fibres végétales, des feuilles du jardin à la cigarette d’une amie. Parfois, certaines sont offertes comme un don d’amitié. La cendre mêlée d’éléments impurs doit être tamisées, affinées, pour donner un pigment le plus fin possible qui, dissous dans un liant, se laisse déposer sur un support.

La cendre résulte d’un extrême anéantissement par le feu, elle demeure le reste irréductible d’une disparition, la présence d’une absence. La couleur exemplaire de la cendre est le gris, un ton crépusculaire, on oserait dire criarde : il évoque le bruissement, le murmure d’avant la parole clairement articulée, le secret. L’artiste joue de toutes les ressources du gris : nuances internes à cette non-couleur, variation d’intensité. Le tableau n’étant pas totalement monochrome, le gris se colore parfois d’ocre. Terne, inerte comme la terre, il s’adresse à la transparence du ciel ; doué de vie, par la force du pinceau il varie du blanc au noir. La cendre est emportée ou déposée sur un support par un geste plus proche du rituel de la calligraphie que de l’habitude picturale. Le support lui-même est recréé à partir d’un matériau pauvre, généralement du papier kraft, plié, froissé comme un relief de rocher ou de montagne.

Que peut présenter cette surface de papier froissé saturée de traces de cendre ?

L’art de Marcel Robelin n’imite rien, ne figure aucune présence réelle. Il révèle plutôt un art de la mémoire qui recueille des formes héritées du passé. La voute, l’ogive, le treillis, le simple encadrement hantent comme des spectres évanescents la surface cendreuse. La monumentalité architecturale a disparu, seule demeure une épure retracée sur un écran neutre, bidimensionnel le plus souvent. L’icône elle-même, qui a institué la figuration originaire de la peinture occidentale, a laissé s’effacer son image sainte sans perdre pourtant son aura mystique. Cette œuvre de mémoire sauvegarde à l’état pur l’étrange charme qui émane des configurations artistiques traditionnelles. Les formes végétales, autre motif d’inspiration, apparaissent comme des souvenirs de feuilles, de corolles empruntées à un jardin paysagé fané.

Ces évocations ascétiques suscitent-elles en nous, qui les contemplons, la seule expérience de la mélancolie ? Ce serait oublier la volupté que donne l’aspect doux, poudré de la cendre, un ravissement subtil. Même éteinte la cendre recèle en elle encore un peu de la vertu, de l’ardeur du feu, elle témoigne alors de la promesse fragile d’une renaissance du monde par incandescence.

Par son don des cendres, c’est à la célébration intime du feu que nous invite Marcel Robelin.

 
 
Françoise Gernot, Le don des cendres, Catalogue de l'exposition à la Chapelle des Jésuites à Nîmes.
[Avril 2004]
 
   


Marcel Robelin, Les choses ne sont que l’écho de l’absence
Exposition : Nepantla, 2018
Muséographie : Ónix Acevedo Frómeta
Photographies : Marc Thouvenot
Remerciements à Monique Robelin, Nicole Tiramini, Eliette Couston, Renée Couston, Mechri Razali pour leur aide lors des prises de vues et à Suzanne Otwell-Nègre pour la photo de Marcel.
 
   
 
   
 
   
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Las cosas no son sino el eco de su ausencia
 
 

Después de haber renunciado a los colores, demasiado parlanchines, trabajé con tierras que recogía; en particular, un gris antracita, pizarra de una marga hojaldrada. Vivía en ese entonces en Causse du Larzac, es de donde vino este gris asociado a lo “desierto” del vacío y también a la idea de apilar, con la impresión de estar frente a un libro, a un recuerdo, a un escrito de escala geológica. Más tarde, cuando me encontraba en París, lejos de “mis tierras”, las reemplacé con cenizas. Tengo una red de amigos que me provee: solo me queda clasificarlas según su tono de gris. Si en las cenizas la memoria es vegetal y no mineral, existe, no obstante, la misma dimensión de memoria, la misma impresión de capas sucesivas, de estratos.

En otros tiempos recuperaba el papel de envolver ya arrugado para trabajarlo. Igual que las cenizas, este tipo de material –destinado a desaparecer–, solo podría salvar a través de un gesto artístico, poético, al ofrecerles una nueva vida. Actualmente utilizo, además, cartones grandes que arrugo después de haberlos cepillado con mis cenizas. Estrujar el papel es una forma de darle una tercera dimensión: colocados en el suelo, estos papeles se convierten en una geografía, un territorio que sobrevuelo.


Marcel Robelin.
 


Epílogo

Marcel Robelin
Sabine Puget

Don de cenizas
Françoise Gernot

 
Exposición
 
 
 
 
 
 
 
 
 


   
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Marcel Robelin
 
     
 

El papel arrugado y cubierto de cenizas porta, en su superficie, el polvo del tiempo. Polvo fino y sedoso, las cenizas solo lo son cuando se las recolecta con nuestras manos, de otro modo se van volando y, con ellas, el recuerdo de lo que han sido. Las cenizas indican nuestra finitud, la de nuestra destrucción por el fuego, nuestra consumación por el remordimiento o la penitencia, de nuestro regreso a la nada y, con frecuencia, ellas se asoman a la promesa de nuevas desgracias. Sin embargo, antes de ser dispersadas en las tierras del olvido, nutren el renacimiento de la parte –siempre en falta– de nuestra historia.

Las cenizas, utilizadas como pigmento por Marcel Robelin, toman todos los matices del no-color: el del páramo, el del causse , el erg ; como muchos lugares donde la ausencia es visible y palpable, muchos de ellos no fueron ajenos a su vida. Tanto si los vivió, como si soñó con ellos, alimentaron su “in-tranquilidad” y su imaginación, tanto como los poetas, que a menudo vinieron del oriente con todos sus recursos bajo la mano. Un vasto taller, desde ahora prometido a la destrucción por un promotor inmobiliario, protege la sombra que corresponde a una obra que habla suavemente de nuestras desapariciones. Sin embargo, qué maravilla ver tomar forma a eso que parece emerger de un lugar distante, conocido y olvidado, vestigios apenas esbozados de lo que fueron nuestros hogares, palacios o tugurios en los que la magia de la sombra nos deja fragmentos preciosos para el viaje. Cuando no trabaja, se queda en la parte de atrás, como si quisiera esconderse de lo que acaba de hacer, frente a una mesa que uno diría que ella también es sobreviviente de un incendio. Desde allí puede dar marcha atrás, mantener la distancia necesaria a la crítica y dejar correr en la indolencia a su pesimismo natural.

Este pesimismo, aliado a su escepticismo y a su humor, se erige como un baluarte contra la gravedad de la desesperación. Con la elegancia del equilibrista, tiende un hilo entre lo que ha desaparecido y lo que está designado a desaparecer, para cantar la belleza de las cosas desde arriba, la poesía de una arcada, la elegancia de un encaje de piedra, el disfrute de una geometría perfecta. Este es el arte de Marcel Robelin, la incautación de la aparición de un detalle que, desconectado de su coraza, se convierte en la pequeña “madeleine” de una larga saga, donde se edificaron nuestras grandezas y nuestras miserias.

Frente a los vanos ornamentos, prefiero las cenizas… Marcel Robelin podría poner a su cuenta este verso de Racine. Al mismo tiempo, el verso suena como una respuesta a la sofisticación técnica del arte de nuestro tiempo. ¿No es magnífico que algunos ermitaños nos hagan ver la esencia de nuestra humanidad, su frágil poder, su vocación de desaparición utilizando el papel, los pinceles, los pigmentos (o las cenizas), el agua y la fuerza del espíritu? Marcel Robelin es uno de ellos.

 
 
Sabine Puget, Marcel Robelin, Catálogo de la exposición en la galería Art Élysées de París.
[septembre 2008]
Traducción al español: Ónix Acevedo Frómeta
 
     
     
   
   
 
Don de cenizas
 
     
 

Hacer una obra de las cenizas obliga al gesto creador a una discreción, a una rara abnegación. Este borrado de sí mismo, tan poco demiúrgico, determina, en toda su elegancia, la práctica artística de Marcel Robelin.

Las cenizas fueron recogidas: vestigios provenientes de muchas y diversas combustiones de fibras vegetales, desde las hojas del jardín hasta el cigarro de una amiga A veces, algunas son ofrecidas como un obsequio de amistad. Las cenizas, mezcladas con elementos impuros, deben ser tamizadas, refinadas, a fin de obtener un pigmento lo más fino posible, el que disuelto en un aglutinante, se deje depositar en un soporte.

Las cenizas son el resultado de una aniquilación extrema por fuego, constituyen el resto irreductible de una desaparición, la presencia de una ausencia. El color ejemplar de las cenizas es gris, un tono crepuscular; uno se atrevería a decir llamativamente: evoca el crujido, el murmullo previo a la palabra claramente articulada, un secreto. El artista juega con todos los recursos del gris: los matices internos de este no-color, la variación de su intensidad. La imagen no es totalmente monocromática, el gris es a veces ocre. Triste, inerte como la tierra, se orienta a la transparencia del cielo; dotado de vida, por la fuerza del pincel, cambia de blanco a negro. Las cenizas son llevadas o depositadas en un soporte, más por un gesto cercano al ritual de la caligrafía, que por la costumbre pictórica. El soporte en sí mismo es recreado a partir de un material pobre, generalmente papel kraft, plegado, arrugado como un relieve de roca o de montaña.

¿Qué puede mostrar esta superficie de papel estrujado, saturado con rastros de ceniza?

El arte de Marcel Robelin no imita nada, no se parece a ninguna presencia real. Por el contrario, revela un arte de la memoria que registra formas heredadas del pasado. La bóveda, la ojiva, la celosía, el marco simple rondan como un espectro evanescente la superficie cenicienta. La monumentalidad arquitectónica ha desaparecido, solo resta una pureza trazada en una pantalla neutral, con mayor frecuencia bidimensional. El icono en sí, que ha instituido la representación original de la pintura occidental, ha permitido que su sagrada imagen se desvanezca sin perder, sin embargo, su aura mística. Esta es una obra de la memoria salvaguardada en estado puro, es suyo el extraño encanto que emana de las configuraciones artísticas tradicionales. Las formas vegetales, otro motivo de inspiración, aparecen como recuerdos de hojas, corolas tomadas en préstamo, de un paisaje descolorido.

¿Contemplar estas evocaciones ascéticas provoca en nosotros solo una experiencia de melancolía? Eso sería olvidar la voluptuosidad, el deleite sutil que ofrece el aspecto suave del polvo de las cenizas. Aunque extintas, las cenizas todavía contienen un poco de virtud, del ardor del fuego, ellas son testigo de la frágil promesa de un renacimiento del mundo por incandescencia.

Por su don de cenizas, es a la celebración íntima del fuego a la que Marcel Robelin nos invita.

 
Françoise Gernot, Don de cenizas, Catálogo de la exposición en la Chapelle des Jésuites de Nîmes.
[Avril 2004]
Traducción al español: Ónix Acevedo Frómeta
 
   


Marcel Robelin, Las cosas no son sino el eco de su ausencia
Exposición: Nepantla, 2018
Museografía: Ónix Acevedo Frómeta
Fotografías: Marc Thouvenot
Gracias a Monique Robelin, Nicole Tiramini, Eliette Couston, Renée Couston, Mechri Razali por su ayuda en la toma de las fotografías y a Suzanne Otwell-Nègre por la foto de Marcel.
 
   
 
   
 
   
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