Menu General

[Chroniques minuscules] II

Chroniques
Chronique précédente

Des mondes d’antan

Christophe de Beauvais

Chroniques Source gallica.bnf.fr / BnF
Mon chien

J’aime beaucoup mon chien.

Petit, je me souviens, il me faisait la fête avec ses grognements joyeux. C’est vrai qu’il n’a jamais beaucoup aboyé, on m’en fait le reproche parfois. Mais quel enthousiasme dans ses yeux !

Des esprits chagrins me disent qu’il n’est pas égal à lui-même. C’est une expression que je ne comprends pas. Comment être différent de ce que l’on est ? Dans mon regard, mes amis ne deviennent pas mes ennemis, ma bonne ne devient pas ma femme, comment mon chien pourrait-il être autre chose que mon chien ? Il n’aboie pas ? La belle affaire ! J’ai connu des chats qui ne faisaient pas « miaou », des policiers qui ne disaient jamais « halte-là ! », et même des commerçants qui ne me saluaient pas.

Évidemment, il y a ses dents. Mais j’ose affirmer qu’elles ne comptent pas. Ce n’est pas à cela qu’on reconnaît un chien.

Un chien c’est avant tout une affection, une présence à poils qui chaque jour vous soutient, un trésor d’attentions et de mouvements de joie. Mais c’est aussi plus que cela.

Il est toujours là.

Il ne fait pas que vous accompagner, il est là dans la durée. Je veux dire dans toutes les durées, dans tous les instants. Il reflète tous vos sentiments, il se confond en miroir avec toutes vos pensées, et parfois même il vous empêche de pleurer.

Alors le mien est peut-être laid dans le regard des autres, mais il est tellement doux dans le mien. Et quand il me contemple, je le vois sans défenses, avec au fond des yeux une touche d’humanité.

Alors cessez de l’écorcher, de le noircir en peinture, de faire de lui le cochon qu’il n’est pas !

Christophe de Beauvais, Chroniques minuscules II, des mondes d’antan. Mon chien
[Rabat, 2017]

Chroniques
Chronique précédente