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Bernard Dejonghe
Formes brèves

 

 
   
 
« J’ai toujours eu conscience de l’homme comme faisant partie de l’univers minéral... Les années de travail avec les matières qu’un profane pourrait juger comme inertes m’ont amené à l’idée du mouvement constant dans l’univers : rien n’est fixe.... La constante est devenue pour moi un travail sur les fusions minérales qui vient en avant d’un travail sur les formes, les couleurs ou leurs installations dans des espaces particuliers.... Je n’ai pas pu résister, par curiosité et passion, à partir, à diverses occasions à la rencontre des mondes minéraux et géologiques. J’aime les déserts par ce qu’ils nous montrent du vécu minéral dans la durée ; ils me font comprendre ce que j’essaie de faire.  » Bernard Dejonghe
(Catalogue du Musée de Dunkerque – 1997 – conversation avec Alain Macaire)
 
Epilogue textuel

Rêverie lovée dans la courbure de l’espace-temps ?

Violaine Sautter


Epilogue musical

Reflections

Florencia Alen

     
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Rêverie lovée dans la courbure de l’espace-temps ?

Quand je les regarde, j’y vois un alphabet cosmique, sublunaire parfois, interstellaire souvent et le bout de mes doigts effleure alors cette matière noire lointaine, inaccessible, énigmatique, une substance invisible qui, déviant la lumière des étoiles, révèle en creux la matière visible (1).

Bernard D. vitrifie les volumes, dévitrifie les surfaces avec une obstination solaire en maitre du feu et de la flamme. Il façonne la transparence du verre comme la matière noire invisible façonne le rayonnement des étoiles. Il révèle sa limpidité en le nappant de voiles cristallines réfléchissant la lumière. Bernard interroge les frontières, la limite, joue entre le vide et le plein, le visible et l’invisible et dicte aux photons leur trajectoire. Entre ses mains la lumière, notre seul lien au cosmos, devient matière et la matière redevient lumière. Les formes brèves me rappellent alors que dans l’espace le vide n’est jamais vide.

Dans l’obscurité je regarde cette voile cristalline, frémissante, captive dans son triangle de verre (2), et je voie Ikaros, la voile solaire japonaise, vaisseau spatial silencieux parti un jour en direction de Venus, mue par le rayonnement stellaire, gonflée par des pinceaux de lumière. Et au fond de ma nuit, surgit alors tout près de moi, à portée de sens, des fragments d’univers non encore conquis.

Ces sculptures de verre dans leur contour défient le temps. Elles nous rappellent autre chose, la naissance de l’art car Bernard puise son vocabulaire dans un univers de formes bien terrestres, des formes qui le poursuivent depuis toujours, les premières formes, celle de la hache et son ergot (3), de la pointe de flèche (4), de la meule dormante (5) sculptées par l’homme, celui qui était la avant l’histoire…Avec ses formes brèves, Bernard sculpte le temps, son absence comme son éternité et l’espace d’un instant je me sens proche de celui qui, disparut il y a plus 20 000 ans façonnant son outil, oublia son outil.

Dans l’obscurité, je regarde ces formes brèves, et je voie l’invisible, je voie dans le noir. Nous avons besoin du noir pour voir. Ce qu’elles cachent nous redonnent la vue. Bernard parle à la terre comme il interroge le ciel. Il nous entraine dans son sillage et nous rappelle que l’on partage tous le même ciel depuis que le monde est monde, que l’on partage tous en héritage la naissance de la forme, la naissance du beau.

Dans l’obscurité je regarde ces lèvres de cristal (6) j’ébauche alors un sourire et je me dis que l’oeil est un peu le sens de la nuit et la nuit nous ne sommes jamais tout à fait les mêmes. Quand je la regarde je ne suis plus tout à fait la même…


Violaine Sautter
[Ners, Janvier 2022]
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Les Formes brèves ont non seulement inspiré Violaine Sautter mais aussi une compositrice d'Argentine, vivant en Angleterre, Florencia Alen.


Le 27 février 2018 la compositrice écrit à Bernard Dejonghe le mail suivant :
I write you because at the moment, your piece Petit Meule Vive is at the National Museum of Cardiff, where I have seen it. It instantly caught my attention, and I found it really captivating! I decided to make a piece for wind quintet as a response for your work. It's called Reflections. This piece will be played at the museum the 10th of March, together with other pieces of other friend composers who did the same choosing other pieces of art in the exhibition. It is free entry and I thought you would like to know. I can't be there the day of the performance but I have arranged it to be recorded. I just wanted you to know that I found your piece really inspiring. I love art, and Petit Meule Vive is absolutely awesome! Je vous écris parce qu'en ce moment, votre pièce Petit Meule Vive est au Musée national de Cardiff, où je l'ai vue. Elle a immédiatement attiré mon attention, et je l'ai trouvée vraiment captivante ! J'ai décidé de créer une pièce pour quintette à vent en réponse à votre œuvre. Elle s'appelle Reflections. Cette pièce sera jouée au musée le 10 mars, avec d'autres pièces d'autres amis compositeurs qui ont fait de même en choisissant d'autres œuvres d'art dans l'exposition. L'entrée est gratuite et j'ai pensé que vous aimeriez le savoir. Je ne pourrai pas être là le jour de la représentation, mais je me suis arrangé pour qu'elle soit enregistrée. Je voulais juste que vous sachiez que j'ai trouvé votre pièce très inspirante. J'aime l'art, et Petit Meule Vive est absolument génial !
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Reflections, 10-03-2018, Florencia Alen



   


Bernard Dejonghe : Formes brèves
Texte : Violaine Sautter
Composition musicale : Florencia Alen
Photos : Antoine Mailliet, François Goalec, Bernard Dejonghe, Marc Thouvenot

Exposition : Nepantla, 2022
Muséographie : Ónix Acevedo Frómeta